Elle entra dans la maison. Le silence y régnait. Elle regarda dans le salon qui donnait vers la cuisine, et elle vit que Bo n’était pas là. C’était bizarre vu que, presque tous les après-midis, il était soit assis dans la cuisine à répondre à ses emails, soit vautré dans le divan à regarder les nouvelles à la télé.
Elle fut d’abord un peu surprise mais très vite, un sourire se dessina sur ses lèvres. Peut-être qu’il se rappelait non seulement que c’était leur anniversaire de mariage, mais qu’il était aussi excité qu’elle à l’idée de le célébrer dignement. Elle posa les steaks et la bouteille de vin sur le plan de travail de la cuisine et gravit lentement les escaliers qui se trouvaient entre le salon et la cuisine. Elle savait que Bo n’était pas du genre à utiliser des pétales de roses ou de la musique douce pour la séduire. Aucun des deux n’était particulièrement romantique.
Et ça lui allait très bien comme ça. Franchement, elle serait tout aussi heureuse s’il la surprenait derrière la porte de la chambre et qu’il la prenait là, contre le mur. Elle fut excitée à la seule idée d’y penser et elle accéléra le pas en arrivant en haut des marches.
« Bo ? » dit-elle, avec une touche d’espièglerie dans la voix.
Elle passa devant la salle de bains et arriva devant la porte de leur chambre à coucher. Elle était fermée et elle essaya de se rappeler si elle l’avait fermée en partant ce matin. Mais trop excitée pour y réfléchir plus longtemps, elle ouvrit la porte, en s’attendant à ce qu’il l’attrape par surprise ou qu’il soit allongé tout nu sur le lit, à l’attendre.
Mais il n’y avait personne. Elle fronça les sourcils et fit demi-tour dans le couloir. Où est-ce qu’il peut bien être ?
Puis elle se rappela qu’elle lui avait envoyé un message pour lui dire qu’elle avait acheté des steaks. Elle avait failli terminer son message en disant ‘pour célébrer notre anniversaire de mariage’ mais elle s’était ravisée, en espérant qu’il s’en rappellerait tout seul. Vu qu’il savait qu’elle amenait des steaks, il était probablement sur la terrasse, occupé à allumer le barbecue.
Un peu déçue par le fait de ne pas avoir de surprise dans la chambre à coucher, Sherry redescendit au rez-de-chaussée. En passant par la cuisine, elle faillit prendre les épices pour les steaks mais elle décida d’aller d’abord dire bonjour à Bo. Peut-être qu’elle l’embrasserait langoureusement, histoire de le mettre sur la piste de ce qu’elle attendait plus tard dans la soirée.
Elle ouvrit la porte de la terrasse et sortit. Elle vit Bo au moment de refermer la porte derrière elle. Il lui fallut un moment pour comprendre ce qu’elle voyait.
Il était couché sur la terrasse, face à la porte. Ses yeux étaient écarquillés et il y avait quelque chose de foncé qui lui sortait de la bouche – quelque chose de rond et de mou. Elle essaya de voir ce que c’était et à ce moment-là, elle vit qu’il y avait une large flaque de sang autour de sa tête. Du sang encore humide.
« Bo… ? »
Bien entendu, Bo ne répondit pas.
Sherry sentit un hurlement lui monter dans la gorge. Elle remarqua l’odeur d’allume-feu et de charbons ardents. Bo était effectivement sorti pour allumer le barbecue. Soudain, l’odeur de charbon fut la seule chose dont elle était encore consciente. Elle tomba à genoux en hurlant et se mit à pleurer à côté du corps de son mari.
« Vous êtes sur le répondeur de Danielle… Laissez un message après le bip sonore. »
Chloé raccrocha et posa son téléphone sur le comptoir. Elle regarda par la fenêtre du bar où elle était entrée par hasard. C’était un jeudi après-midi et elle prenait un verre toute seule, deux jours après avoir élucidé sa dernière enquête. Elle était encore sous le coup de la manière dont elle s’était terminée, mais ce n’était pas ce qui la préoccupait le plus. En regardant à travers la fenêtre les derniers rayons du soleil inonder les rues de Washington, Chloé se préoccupait surtout pour Danielle.
Ça faisait deux jours qu’elle n’avait pas parlé à sa sœur. Elle savait que ça ne faisait pas très longtemps, mais vu la manière dont les choses s’étaient déroulées entre elles récemment, elle ne pouvait s’empêcher de se préoccuper. De plus, ce n’était pas comme si elle avait seulement éteint son téléphone. Il n’y avait personne chez elle non plus. Chloé était passée par son appartement et personne ne lui avait ouvert la porte.
Chloé finit sa seconde bière de l’après-midi et jeta un coup d’œil à l’horloge de son téléphone. Il était 17h17 – une demi-heure s’était écoulée depuis la dernière fois où elle avait regardé. Elle ne se rappelait pas à quand remontait la dernière fois où elle s’était autant préoccupée.
Du coup de l’œil, elle vit le barman s’approcher d’elle. Il fit un geste de la tête en direction du verre vide et dit : « Une autre ? »
Elle faillit accepter. Elle ne buvait pas très souvent mais elle se disait qu’elle arrêterait peut-être de se préoccuper si elle continuait à boire. Elle pourrait se saouler, prendre un taxi pour rentrer chez elle, s’effondrer dans son lit et se réveiller demain matin en se rendant compte qu’elle s’était préoccupée pour rien.
Mais ça ne lui ressemble pas. Ça ne ressemble pas à la nouvelle Danielle que je connais.
« Non, merci, » dit-elle. « Juste l’addition. »
Il alla à la caisse pour aller la chercher. Chloé reprit son téléphone en main. Son journal d’appels prouvait combien elle était préoccupée – surtout cet après-midi. Elle était même allée jusqu’à appeler le club de strip-tease où Danielle travaillait en tant que serveuse. Et ce fut à ce moment-là qu’elle commença vraiment à se préoccuper. Le patron de Danielle lui avait dit qu’elle avait appelé il y a deux jours pour dire qu’elle était malade, qu’elle avait un mauvais rhume ou un truc dans le genre.
Mais si c’était le cas, elle n’était pas restée au chaud chez elle. Et elle ne répondait pas au téléphone. Ça n’avait pas de sens d’éteindre son téléphone quand on était malade, non ?
Le barman lui tendit l’addition et elle lui fit glisser sa carte de crédit. Elle se demanda si elle ne devrait pas signaler sa disparition auprès de la police. Mais ce serait stupide. Si quelqu’un signalait une disparition dans le même genre de circonstances et qu’elle devait s’en occuper, elle lèverait probablement les yeux au ciel et l’ignorerait. De plus… vu les antécédents de Danielle, ce serait la dernière chose dont elle aurait besoin. La connaissant, il était très possible qu’elle ait tout simplement décidé de changer d’air.
Non, pas cette nouvelle Danielle…
Chloé sortit du bar encore plus frustrée qu’avant. Elle essaya de se focaliser sur une émotion en particulier – la préoccupation ou la frustration – mais elle se rendit compte qu’elles allaient de pair. Elle se dirigea vers son appartement, en essayant de se convaincre qu’elle se faisait du souci pour rien. Il n’y avait aucune raison de penser que quelque chose ne tournait pas rond. Elle n’avait jamais été du genre à se préoccuper. Elle avait toujours tendance à trouver une raison logique pour ne pas se faire de souci. Elle était sûre que, dès qu’elle arrêterait de se focaliser là-dessus, Danielle l’appellerait et lui dirait qu’elle était partie rendre visite à de vieux amis dans le Maryland, ou un truc dans le genre.
Juste au moment où cette idée rassurante lui traversait l’esprit, son téléphone se mit à sonner.
Son cœur cessa de battre. Elle était tellement persuadée que c’était Danielle, qu’elle ne prit même pas la peine de jeter un coup d’œil à l’écran. Elle faillit même dire le nom de sa sœur en décrochant.
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