« Est-ce que vous connaissiez mademoiselle Faraday ? » demanda Kate.
« Non. Mais plus tard, quand on m’a montré des photos d’elle, je l’ai reconnue. Je l’avais déjà vue. Ce n’est pas une très grande ville, vous savez. »
« Et vous étiez seule, c’est bien ça ? » demanda DeMarco.
« Oui, j’étais seule. »
« Combien d’autres personnes travaillent pour votre entreprise de nettoyage ? »
« On est cinq. Mais vu que cette maison n’était plus meublée et qu’il n’y avait pas eu beaucoup de visites dernièrement, on m’y a envoyée toute seule. C’était supposé être un simple boulot de dépoussiérage. Il n’y avait même pas besoin de faire les fenêtres. »
DeMarco feuilleta le dossier qui se trouvait sur la table devant elle. « Et vous êtes arrivée à quatorze heures quart cet après-midi-là, c’est bien ça ? »
« Oui. Je devais aller nettoyer une autre maison ce jour-là, mais vu les circonstances, je n’y suis pas allée. »
« C’est peut-être une question un peu dérangeante, » dit Kate, « mais est-ce que vous vous rappelez si le sang était encore frais ? »
« Oh oui, bien sûr. Il était encore frais. Il y avait encore du sang qui coulait du corps. Bien que ça puisse paraître bizarre… c’est ce qui m’empêche de dormir le soir. Ce n’est pas le visage de cette pauvre femme, ni même la scène en elle-même, c’est le bruit de ce sang frais tombant goutte à goutte jusqu’au sol. »
« Mademoiselle Siebert… qui a fait appel à vos services pour nettoyer cette maison ? »
« L’agence immobilière. »
« Et c’était quelle agence exactement ? » demanda DeMarco.
« L’agence Davis et Hopper. »
« Est-ce que ça fait longtemps que ce sont vos clients ? » demanda Kate.
« Ça fait peut-être deux ans. Ils paient bien et les agents immobiliers qui y travaillent sont vraiment très gentils. »
Le silence s’installa dans la pièce, pendant que Kate et DeMarco réfléchissaient. Mary Seibert avait maintenant l’air plutôt détendue – son attitude n’avait plus rien à voir avec celle que le shérif Armstrong leur avait décrite dix minutes plus tôt. Ce fut finalement Kate qui brisa le silence. Il était impossible que Mary Seibert ait tué Béa Faraday, qu’elle l’ait traînée jusqu’en haut des escaliers et qu’elle ait jeté son corps par-dessus la balustrade. Kate savait que c’était tout simplement impossible.
« Mademoiselle Seibert, est-ce que vous étiez déjà entrée dans cette maison ? »
« Non, c’était la première fois. »
« Et quand vous y êtes entrée, » dit DeMarco, « est-ce que vous avez remarqué quoi que ce soit d’autre ? Un quelconque indice que quelqu’un d’autre se trouvait sur les lieux ? »
« Comme je vous l’ai dit… tout ce que j’ai vu, c’est le corps. Enfin… j’ai d’abord remarqué les taches de sang sur le sol au moment où je suis entrée, puis j’ai vu son corps accroché au lustre. J’ai été un moment sous le choc. Je me rappelle avoir eu du mal à respirer, puis je me suis mise à hurler. J’ai couru à l’extérieur et j’ai appelé la police. Ils m’ont dit d’attendre dans ma voiture et c’est ce que j’ai fait. »
DeMarco jeta un coup d’œil en direction de Kate. Kate acquiesça d’un hochement de tête, tout en souriant à Mary Seibert. DeMarco commença à se diriger vers la porte.
« Ça fait combien de temps que vous nettoyez des maisons dans la région ? » demanda Kate.
« Ça doit faire huit ou neuf ans. »
« Est-ce qu’il vous est déjà arrivé de remarquer des trucs bizarres dans certaines maisons ? »
« Oh, ça arrive qu’on entre dans une maison qui a visiblement été utilisée. Mais en général, il s’agit juste d’adolescents qui sont venus y faire la fête. Il arrive aussi parfois que des personnes y aient passé la nuit. Un jour, une de mes amies s’est même retrouvée face à face avec un sans-abri qui dormait dans le dressing de l’une des chambres. »
« C’est arrivé ici, à Estes ? » demanda DeMarco.
« Non, quelque part dans la région de New Castle. »
Kate et DeMarco échangèrent un regard qui se passait de tout commentaire. Elles savaient toutes les deux ce qu’il signifiait : « Cet interrogatoire est terminé. »
« Merci beaucoup pour le temps que vous nous avez consacré, mademoiselle Seibert. À moins que le shérif Armstrong ait encore besoin de vous, vous êtes libre de partir. Merci pour votre aide. »
Mary se leva de sa chaise, prête à sortir de la pièce. « J’ai entendu dire qu’il y avait eu un autre meurtre. C’est vrai ? »
« On ne peut pas vous en dire plus pour l’instant, » dit DeMarco. Elle se dirigea vers la porte, puis s’arrêta, avant de se retourner vers Mary et d’ajouter : « Mais je vous suggère de rester loin de toute maison actuellement mise en vente et ce, jusqu’à nouvel ordre. »
« Il est possible qu’on donne également le même conseil à tous les agents immobiliers de la région, » dit Kate.
Mary hocha la tête et baissa les yeux vers la table. Kate avait souvent vu cette expression. C’était le regard d’une femme qui aimait sa petite ville, mais qui commençait à se rendre compte que ce n’était pas un endroit aussi sûr qu’elle le pensait.
Kate se rendit très vite compte que le shérif Armstrong avait une personnalité qui lui plaisait beaucoup. C’était une femme solide, qui prenait son boulot au sérieux. Quand elle s’installa avec Kate et DeMarco dans une petite salle de réunion à l’arrière du commissariat un quart d’heure après le départ de Mary Seibert, elle le fit avec une certaine anxiété. Elle devait avoir entre cinquante et cinquante-cinq ans, mais l’incertitude qui se lisait sur son visage lui donnait l’air beaucoup plus jeune. Elle était assez jolie. Elle regarda les agents avec des yeux verts rayonnants.
« Vous savez, » dit-elle, en prenant sa tasse de café en main tout en s’appuyant contre le dossier de sa chaise, « j’aurais vraiment aimé que vous ayez pu visiter la région pour d’autres raisons. Est-ce que vous étiez déjà venues à Estes ? »
Kate et DeMarco lui répondirent toutes les deux par la négative. Kate but une gorgée de son café, en réfléchissant aux différents éléments de l’affaire. Elle observa également la salle dans laquelle elles se trouvaient, en se disant qu’il s’agirait probablement de leur centre d’opérations jusqu’à la fin de l’enquête.
Il y avait une grande carte de la région accrochée au mur du fond, juste à côté d’un tableau. Ce dernier n’avait pas l’air d’être souvent utilisé. Dans le coin supérieur droit, Kate put y lire une date qui y avait été griffonnée et partiellement effacée, et qui remontait à presque un an.
« Normalement, la région est plutôt tranquille, » dit Armstrong. « Et mon boulot est assez confortable. Même en période estivale et avec l’arrivée des touristes, il ne se passe pas grand-chose. Quelques contraventions pour excès de vitesse et des bagarres le samedi soir, mais c’est tout. Alors, bien évidemment, ce qui s’est passé cette semaine a été… »
Elle s’interrompit, comme si elle ne voulait même pas essayer de trouver le terme approprié pour terminer sa phrase.
DeMarco regarda Kate, en faisant un geste de la tête en direction d’Armstrong. « Le shérif et ses hommes ont déjà rassemblé tout ce dont on pourrait avoir besoin – dossiers, rapports, listes des maisons mises en vente, tout ça. On a déjà travaillé un peu dessus hier, mais pas plus d’une heure. »
« Est-ce que vous avez une liste mise à jour de toutes les maisons en vente dans la région ? » demanda-t-elle.
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