Il regarda le petit entrepôt à travers la grande vitre du bureau. Ils travaillaient 24 heures sur 24 en trois équipes. Ceux qui était actuellement là, trois hommes et une femme, portaient des combinaisons blanches de laboratoire, des lunettes de protection, des masques ventilés, des gants en caoutchouc et des bottes sécurisées.
Les travailleurs avaient été choisis pour leur capacité à faire de la simple microbiologie. Leur boulot consistait à cultiver et à multiplier un virus en utilisant le milieu alimentaire qu’Adam leur avait fourni, puis de lyophiliser les échantillons pour leur transport et une transmission ultérieure par aérosol. C’était un travail fastidieux, mais pas compliqué. N’importe quel assistant de laboratoire ou étudiant en seconde année de biochimie était capable de le faire.
Vu qu’ils travaillaient vingt-quatre heures sur vingt-quatre, l’arsenal de virus lyophilisés augmentait rapidement. Adam faisait un rapport à ses employeurs toutes les six ou huit heures, et ils étaient très contents avec leur rythme. Depuis hier, ils commençaient même à être vraiment enchantés. Le travail serait bientôt terminé, peut-être même déjà aujourd’hui.
Adam sourit à cette idée. Ses employeurs étaient enchantés et ils le payaient vraiment très, très bien.
Il prit une gorgée de son café et continua à regarder les travailleurs. Il ne savait pas combien de cafés il avait consommé au cours des derniers jours, mais c’était beaucoup. Les journées commençaient à se fondre les unes aux autres. Quand il commençait à être fatigué, il se couchait sur le lit dans son bureau et dormait un petit peu. Il portait le même équipement de protection que les travailleurs du laboratoire. Il ne l’avait pas retiré depuis deux jours et demi.
Adam avait fait de son mieux pour construire un laboratoire de fortune dans l’entrepôt. Il avait fait son possible pour protéger les travailleurs et lui-même. Ils avaient des vêtements de protection. Il y avait une pièce où jeter ces vêtements et des douches pour éliminer toute trace de résidus.
Mais il y avait aussi des considérations financières et des contraintes de temps. Ils devaient travailler vite et, bien entendu, tout ça devait rester secret. Il savait que les protections ne correspondaient pas aux normes des Centres américains pour le contrôle des maladies – s’il avait eu un million de dollars et six mois pour construire cet endroit, ça n’aurait pas encore été suffisant.
Pour finir, il avait construit ce laboratoire en moins de deux semaines. Il était situé dans une zone de vieux entrepôts, dans un quartier qui était depuis longtemps habité par des Cubains et d’autres immigrés.
Personne ne ferait attention à cet endroit. Il n’y avait aucune indication sur le bâtiment et il était collé à une dizaine d’autres édifices dans le genre. Le loyer était payé pour les six mois à venir, même s’ils n’avaient besoin de l’installation que pour une très courte période de temps. Il avait son propre parking et les travailleurs allaient et venaient comme n’importe quels autres ouvriers d’entrepôt ou d’usine un peu partout ailleurs – à des intervalles de huit heures.
Les travailleurs étaient très bien payés en cash et certains ne parlaient même pas anglais. Ils savaient ce qu’ils devaient faire avec le virus, mais ils ne savaient pas exactement ce qu’ils maniaient ni pourquoi. Il était peu probable qu’il y ait une descente de police.
Il se sentait néanmoins nerveux à l’idée d’être si proche de ce virus. Il serait soulagé de terminer cette partie du boulot, de recevoir son dernier payement, puis d’évacuer l’endroit comme s’il n’avait jamais été là. Après ça, il prendrait un avion pour la côte Ouest. Pour Adam, il y avait deux parties à ce boulot. Une ici, et l’autre… ailleurs.
Et cette première partie serait bientôt terminée.
Aujourd’hui ? Oui, peut-être déjà aujourd’hui.
Il avait décidé qu’il quitterait le pays pendant un temps. Quand tout ça serait terminé, il prendrait de longues vacances. Le Sud de la France l’attirait pas mal. Avec l’argent qu’il gagnait, il pourrait aller là où il voulait.
C’était simple. Une camionnette, ou une voiture, ou peut-être deux voitures, viendraient dans la cour. Adam fermerait le portail pour que personne ne puisse voir ce qui se passait. Ses travailleurs chargeraient alors le matériel dans les véhicules. Il s’assurerait qu’ils fassent ça prudemment, et il leur faudrait probablement une vingtaine de minutes.
Adam se sourit à lui-même. Une fois que le chargement serait terminé, il prendrait un avion pour la côte Ouest. Et peu après ça, le cauchemar allait commencer. Et il n’y avait rien que personne puisse faire pour l’empêcher.
5h40
Le ciel au-dessus de la Virginie-Occidentale
Le Learjet à six places filait à travers le ciel du petit matin. Le jet était bleu foncé avec le sceau des services secrets sur le côté. Derrière lui, un bout de soleil levant commençait à pointer au-dessus des nuages.
Luke et son équipe utilisaient les quatre places à l’avant en tant que salle de réunion. Ils avaient placé leurs bagages et leur équipement sur les sièges à l’arrière.
Il avait rassemblé l’équipe. Dans le siège à côté de lui, était assis Ed Newsam. Il portait un pantalon kaki et un t-shirt à longues manches. Une paire de béquilles était appuyée sur le côté de son siège, juste en-dessous du hublot.
En face de Luke, se trouvait Mark Swann. Il était grand et mince, avec des cheveux cendrés et des lunettes. Il avait étendu ses longues jambes dans l’allée. Il portait un vieux jean troué et une paire de baskets rouges. On venait de le relever de ses fonctions en tant que leurre dans le cadre d’un réseau de pédophiles et il en avait l’air plus que satisfait.
En face d’Ed, était assise Trudy Wellington. Elle avait des cheveux bruns bouclés, elle était mince et attrayante dans son sweat vert et son pantalon. Elle portait de grandes lunettes rondes sur le nez. Elle était très belle, mais avec ses lunettes, elle ressemblait presque à un hibou.
Luke ne se sentait pas très bien. Il avait appelé Becca avant le départ et la conversation ne s’était pas bien passée. Ils avaient à peine parlé, en fait.
« Où est-ce que tu vas ? » lui avait-elle demandé.
« À Galveston, au Texas. Il y a eu une faille de sécurité dans un laboratoire. »
« Le laboratoire BSL-4 ? » dit-elle. Becca était elle-même une chercheuse spécialisée sur le cancer. Elle travaillait depuis quelques années sur un remède pour les mélanomes. Elle faisait partie d’une équipe, basée dans différents instituts de recherche, qui avait réussi à neutraliser des cellules de mélanome en y injectant le virus de l’herpès.
Luke hocha la tête. « C’est cela, oui. Le laboratoire BSL-4. »
« C’est dangereux, » dit-elle. « J’imagine que tu es au courant. »
Il faillit se mettre à rire. « Chérie, en général, ils ne m’appellent pas si ce n’est pas dangereux. »
Le ton de Becca était froid. « Eh bien, sois prudent, s’il te plaît. On t’aime, tu sais. »
On t’aime.
C’était une manière bizarre de le dire, comme si elle et Gunner l’aimaient en tant que groupe, mais pas nécessairement de manière individuelle.
« Je sais, » dit-il. « Je vous aime énormément tous les deux. »
Il y eut un silence sur la ligne.
« Becca ? »
« Luke, je ne peux pas te promettre qu’on sera là à ton retour. »
Maintenant qu’il était dans l’avion, il secoua la tête pour balayer cette phrase de sa tête. Ça faisait partie du boulot. Il devait compartimenter sa vie. Oui, il avait des problèmes familiaux. Et il ne savait pas comment les régler. Mais ils ne pouvait pas non plus les amener avec lui à Galveston. Ça le distrairait de son boulot et ça pourrait être dangereux, pour lui-même, mais aussi pour toutes les autres personnes impliquées. Il devait se concentrer à cent pourcents sur sa tâche.
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