Elle acquiesça.
- J’ai envie de revenir. Ça me manque… plus que je ne serais prête à l’admettre. Je ne sais sincèrement même pas ce que je vous demande. Peut-être quelques semaines supplémentaires ? Je sais que ça signifierait demander une espèce de privilège spécial mais je suis incapable de prendre une décision maintenant.
- Le mieux que je peux faire, c’est vous donner une semaine supplémentaire. Si vous la voulez. Ou vous pouvez revenir et je peux vous assigner un travail de bureau. Recherche, numéros, surveillance mobile, quelque chose comme ça. Ça vous intéresserait ?
Honnêtement, rien de tout cela ne l’intéressait. Mais c’était déjà quelque chose. McGrath lui donnait la preuve qu’il existait plusieurs options disponibles pour elle et elle avait besoin de le savoir.
- C’est possible.
- Eh bien, prenez le week-end pour y réfléchir. Vous devriez peut-être partir quelque part pour faire le tri.
- Oh, je vais quelque part, justement. Je retourne au Nebraska pour une visite.
Elle ne comprit pas pourquoi elle venait de lui confier cette information. Elle se demanda si McGrath avait toujours été aussi ouvert à la discussion ou s’il s’était adouci, pour une raison ou une autre, et semblait désormais plus accessible. C’était étrange. Elle s’était absentée trois mois et McGrath paraissait avoir changé du tout au tout – plus affectueux, plus amical.
- Je suis heureux pour vous. Vous laissez Ellington seul avec le bébé ? N’est-ce pas un peu risqué ?
- Je ne sais pas, répondit-elle avec un sourire. Il semble impatient de faire ses preuves.
McGrath hocha poliment la tête mais il était clair qu’il avait l’esprit ailleurs.
- White… vouliez-vous me voir pour me demander conseil ? Ou juste jauger ma réaction si vous m’annonciez votre départ ?
Elle se contenta de hausser les épaules et répondit :
- Peut-être un peu des deux.
- Eh bien, je peux vous dire sans l’ombre d’un doute que je préférerais largement que vous restiez. Votre réputation parle pour vous et, même si je n’aime pas insister là-dessus, votre instinct est presque surnaturel. Je n’ai jamais rien vu de la sorte depuis que je travaille pour le FBI. Je crois vraiment qu’abandonner votre carrière si jeune serait du gâchis. D’un autre côté, j’ai élevé deux enfants – un garçon et une fille. Ils sont tous les deux grands maintenant, mais leur éducation a été l’une des expériences les plus agréables et gratifiantes de ma vie.
- J’ignorais que vous aviez des enfants.
- Je tends à éviter de trop parler de ma vie personnelle au travail. Mais dans un cas comme celui-ci, avec quelque chose d’aussi précieux que votre carrière en ligne de mire, vous donner un aperçu des coulisses ne me dérange absolument pas.
- Je vous en remercie.
- Donc… Profitez de votre week-end chez vous. Voulez-vous qu’on se voie lundi pour prendre des décisions pour le futur ?
- Ça me semble parfait, répondit-elle.
Mais lundi lui paraissait très loin. Parce qu’en se levant de sa chaise, elle savait que sa prochaine destination était l’aéroport. Et ensuite, qu’elle serait de retour au Nebraska.
Tandis qu’elle traversait le bâtiment du FBI, elle eut l’impression de se tendre un piège à elle-même. La plupart des gens étaient hantés par les fantômes de leurs passés. Mais tandis qu’elle se préparait à retourner dans le Nebraska pour revoir sa mère, Mackenzie eut l’impression que non seulement elle éveillait ces fantômes, mais qu’elle leur donnait la parfaite opportunité pour se préparer à la hanter.
Il était treize heures quinze, heure du Nebraska, lorsque son avion atterrit à Lincoln. Elle avait passé presque tout le vol à planifier la suite des événements. Mais ce ne fut que lorsqu’elle entendit les pneus crisser sur la piste d’atterrissage qu’elle sut qu’elle avait simplement besoin d’agir une bonne fois pour toutes. Ce qui ne l’empêcherait pas de profiter pleinement de son tête-à-tête avec elle-même dans sa luxueuse chambre d’hôtel – qu’elle avait déjà réservée. Et elle pourrait le faire après en avoir fini avec le plus difficile.
Elle avait joué de ses connexions pour utiliser les ressources du Bureau : sa mère travaillait toujours au même endroit que lorsque leurs chemins s’étaient croisés il y avait un peu plus d’un an. Elle faisait toujours partie de l’équipe de nettoyage du Holiday Inn situé dans la petite ville de Boone’s Mill. Et il s’avérait que Boone’s Mill se trouvait à deux heures de Belton, la ville dans laquelle elle avait grandi – où elle avait décidé d’aller avant de rentrer chez elle.
Une autre impulsion la prit lorsqu’elle se faufila dans l’agence de location de voitures de l’aéroport vingt minutes plus tard. Elle savait qu’à environ une demi-heure de l’aéroport se trouvait le commissariat dans lequel elle avait commencé sa carrière en tant que détective. Elle pensa à l’homme avec qui elle avait travaillé pendant presque trois ans avant que le FBI ne lui fasse la cour. Il s’appelait Walter Porter et, même si travailler avec une femme n’était pas de son goût et en dépit de son sexisme tenace, il lui avait énormément enseigné sur ce qu’impliquait faire respecter la loi. Elle se demanda ce qu’il était advenu de lui. Il avait probablement pris sa retraite depuis, mais être de retour, si proche du poste de police, lui donna envie de prendre de ses nouvelles.
Tout doux, se dit-elle en saisissant les clefs que lui tendait une femme grognon derrière le comptoir.
Une fois sur la route, Mackenzie appela le Holiday Inn où travaillait sa mère, pour s’assurer qu’elle l’y trouverait. Au bout du compte, elle terminait une demi-heure plus tard, ce qui signifiait que Mackenzie la raterait à cause du temps de trajet. Mais ce n’était pas très grave car Mackenzie avait aussi obtenu l’adresse du domicile de sa mère.
Elle fut surprise de réaliser que les plaines et l’atmosphère familière du Nebraska la rassérénaient sensiblement. Elle ne ressentait ni anxiété, ni peur à la perspective de revoir sa mère. En revanche, Kévin lui manquait chaque fois qu’elle regardait la plaine ou le ciel. Lorsqu’elle se rendit compte qu’elle n’avait jamais été éloignée de lui pendant aussi longtemps, son cœur se serra dans sa poitrine. Pendant un instant, il devint difficile de respirer. Mais elle pensa à Ellington et à Kévin, ensemble dans leur appartement tandis que la journée touchait à sa fin. Ellington était un père extraordinaire, il la surprenait tous les jours. Elle commençait à comprendre qu’Ellington avait peut-être besoin de ce moment seul avec son fils tout autant qu’elle avait besoin de cette parenthèse pour s’aventurer dans son passé et tenter d’apaiser sa relation avec sa mère.
Si ce sont les émotions que vivent tous les parents, pensa-t-elle, j’ai peut-être été trop dure avec ma mère.
De toutes les pensées qui lui avaient traversé l’esprit lorsqu’elle monta dans l’avion à Washington, c’était celle qui lui donna les larmes aux yeux. Elle savait que son père avait affronté certains de ses propres démons, même si elle n’en avait jamais connu la nature exacte. Sa mère n’avait jamais médit à son sujet en présence de Stéphanie ou de Mackenzie. Mackenzie tenta d’y ajouter le fait que sa mère s’était retrouvée veuve, avec deux filles à élever. Il était très possible (et c’était quelque chose que Mackenzie avait déjà considéré) qu’elle ait eu une si haute opinion de son père parce qu’il était mort alors qu’elle était très jeune. Petite fille, elle n’avait jamais eu la moindre raison de douter de lui ou de le voir autrement que comme son héros personnel. Mais qu’en était-il de la mère qui s’était efforcée d’élever deux filles, avait fini par échouer, et puis avait été accablée de mépris non seulement par la communauté, mais aussi par l’une de ses filles ?
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