— Bon sang, si tu veux être seule, ça me va. Je n’apprécie pas vraiment ta compagnie non plus. »
Il se détourna et s’éloigna sur la plage.
Riley fit demi-tour et cette fois les vit tous s’en aller – April et Jilly main dans la main, Blaine et Crystal prenant une autre direction.
Alors qu’ils commençaient à disparaître dans la brume matinale, Riley tambourina contre la barrière et tenta de crier…
« Revenez ! S’il vous plait revenez ! Je vous aime tous ! »
Ses lèvres bougèrent mais n’émirent aucun son.
*
Les yeux de Riley s’ouvrirent brusquement et elle se retrouva allongée dans son lit.
Un rêve, pensa-t-elle. J’aurais dû savoir que c’était un rêve.
Son père venait parfois la voir en rêve.
Par quel autre moyen pourrait-il lui rendre visite, étant mort ?
Il lui fallut un autre moment pour se rendre compte qu’elle pleurait.
La solitude accablante, l’isolement des personnes qu’elle aimait le plus, les paroles d’avertissement de son père…
Tu es une chasseuse, comme moi.
Pas étonnant qu’elle se soit réveillée aussi bouleversée.
Elle attrapa un mouchoir en papier et réussit à calmer ses sanglots. Mais même ainsi, ce sentiment de solitude ne voulait pas se dissiper. Elle se rappela que les enfants dormaient dans une autre pièce et que Blaine était dans une autre.
Mais il semblait difficile de le croire, en quelque sorte.
Seule dans le noir, elle avait l’impression que tous étaient loin, à l’autre bout du monde.
Elle pensa à se lever et rejoindre Blaine dans sa chambre en traversant le couloir sur la pointe des pieds, mais…
Les enfants.
Ils dormaient dans des chambres séparées à cause des enfants.
Elle tira l’oreiller autour de sa tête et essaya de se rendormir, mais elle ne pouvait s’empêcher de penser…
Un marteau.
Quelqu’un au Mississippi a été tué avec un marteau.
En son for intérieur, elle se dit que ce n’était pas son affaire, et qu’elle avait dit non à Brent Meredith.
Mais alors même qu’elle finissait par se rendormir, ces pensées ne voulaient pas la quitter…
Il y a un tueur là-dehors.
Il y a une affaire à résoudre.
Quand elle entra dans le poste de police de Rushville en début de matinée, Samantha pressentit qu’elle allait avoir des ennuis. La veille, elle avait passé quelques coups de téléphone, ce qu’elle n’aurait peut-être pas dû faire.
Peut-être que je devrais apprendre à me mêler de mes affaires, pensa-t-elle.
Mais d’une manière ou d’une autre se mêler de ses affaires ne lui était pas facile.
Elle essayait toujours d’arranger les choses – parfois des choses qu’il était impossible d’arranger, ou des choses que d’autres ne voulaient pas voir changées.
Comme d’habitude quand elle arrivait au travail, Sam ne vit pas d’autre policier dans les parages, à part la secrétaire du chef, Mary Ruckle.
Ses collègues la taquinaient beaucoup pour cela…
Bonne vieille Sam, fidèle au poste, disaient-ils. Toujours la première à arriver ici, la dernière à partir.
Curieusement, ils ne semblaient jamais le penser de manière positive. Mais elle se rappelait toujours qu’il était naturel que l’on s’en prenne à la “bonne vieille Sam”. Elle était la plus jeune et la dernière recrue des forces de l’ordre de Rushville. Le fait qu’elle soit aussi la seule femme de l’équipe n’aidait pas.
Pendant un moment, Mary Ruckle ne sembla pas avoir remarqué l’arrivée de Sam. Elle était occupée à entretenir sa manucure – son occupation habituelle pendant presque toute la journée. Sam ne comprenait pas quel était l’attrait de se faire les ongles. Elle gardait toujours les siens nus et coupés courts, ce qui était peut-être l’une des nombreuses raisons pour lesquelles les gens pensaient d’elle, eh bien, qu’elle était…
Peu distinguée.
Ce n’était pas que Mary Ruckle soit ce que Sam jugerait comme séduisante. Son visage était tout tiré et méchant, comme si l’ensemble était tendu par une pince à linge posée à cheval sur l’arête de son nez. Malgré tout, Mary était mariée et mère de trois enfants, et peu de gens à Rushville prévoyaient ce genre de vie pour Sam.
Sam ne savait pas vraiment si elle voulait réellement de ce genre de vie. Elle essayait de ne pas trop penser à l’avenir. Peut-être était-ce la raison pour laquelle elle s’était tant concentrée sur les évènements qui survenaient dans sa vie chaque jour. En fait, elle ne pouvait pas s’imaginer un avenir, du moins pas parmi les choix qui semblaient être disponibles.
Mary souffla sur ses ongles, leva les yeux vers Sam et dit :
« Le chef, Crane, veut vous parler. »
Sam hocha de la tête avec un soupir.
Exactement ce à quoi je m’attendais, pensa-t-elle.
Elle entra dans le bureau du chef et trouva Carter Crane en train de jouer à Tetris sur son ordinateur.
« Juste une minute, grommela-t-il en entendant Sam entrer dans la pièce.
Probablement distrait par l’arrivée de Sam, il perdit rapidement la partie à laquelle il jouait.
— Mince, dit-il en regardant fixement l’écran.
Sam se prépara mentalement. Il était probablement déjà énervé contre elle. Avoir gâché une partie de Tetris n’allait pas améliorer son humeur.
Le chef tourna dans son fauteuil pivotant et dit :
— Kuehling, asseyez-vous.
Sam s’assit docilement devant son bureau.
Crane joignit le bout de ses doigts et la dévisagea un moment, essayant comme d’habitude de ressembler au grand leader qu’il croyait être. Et comme d’habitude, Sam ne fut pas impressionnée.
Crane avait à peu près trente ans et était platement charmant, d’une manière qui, selon Sam, conviendrait mieux à un assureur. Au lieu de cela, il s’était élevé au rang de chef de la police en raison du vide de pouvoir laissé par son prédécesseur Jason Swihart après son départ soudain deux ans plus tôt.
Swihart avait été un bon chef et tout le monde l’avait apprécié, y compris Sam. Il s’était vu offrir un excellent travail dans une entreprise de sécurité de la Silicon Valley, et il était naturellement parti vers de nouveaux horizons.
Donc à présent, Sam et les autres policiers rendaient des comptes à Carter Crane. Aux yeux de Sam, il n’était qu’un médiocre dans un service débordant de médiocrité. Sam ne l’admettrait jamais à voix haute, mais elle était persuadée d’être plus intelligente que Crane et tous les autres policiers locaux rassemblés.
Ce serait bien d’avoir une chance de le prouver, se dit-elle.
Enfin, Crane dit :
— La nuit dernière, j’ai reçu un appel intéressant de la part d’un certain agent spécial, Brent Meredith, à Quantico. Vous ne croirez jamais ce qu’il m’a dit. Oh, mais encore une fois, peut-être que si.
Sam grommela, agacée.
— Allez, chef. Allons droit au but. J’ai appelé le FBI tard hier après-midi. J’ai parlé à plusieurs personnes avant d’être enfin mise en contact avec Meredith. Je pensais que quelqu’un devait appeler le FBI. Ils devraient être ici pour nous aider.
Crane sourit.
— Ne me dites pas. C’est parce que vous pensez toujours que l’assassinat de Gareth Ogden la veille au soir était l’œuvre d’un tueur en série qui vit ici même à Rushville.
Sam leva les yeux au ciel.
— Dois-je tout expliquer à nouveau ? dit-elle. Toute la famille Bonnett a été tuée ici, une nuit, il y a dix ans. Quelqu’un leur fracassé la tête avec un marteau. L’affaire n’a jamais été résolue.
Crane hocha la tête.
— Et vous pensez que le même meurtrier est sorti des bois, dix ans plus tard.
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