Crivaro releva son porte-voix pour répondre.
— Ok, mais réfléchissez bien à ce que vous êtes en train de faire. Croyez-moi, je sais de quoi je parle. J’ai vu ça se produire de nombreuses fois. Garder un otage ne fera qu’empirer les choses pour vous. Laissez-la partir. Laissez-la venir ici avec nous. Ensuite, nous pourrons négocier une solution raisonnable.
Riley doutait que la stratégie de Crivaro fonctionne, et elle pensait qu’il était arrivé aux mêmes conclusions. Pourquoi le couple abandonnerait-il le seul moyen de pression qu’il avait à un moment pareil ?
Alors, à la surprise de Riley, la femme commença à faire quelques pas vers eux. Sa gorge se serra quand elle entendit Orin grogner une sorte de protestation inaudible. Riley ne pouvait pas le voir, mais il était clair qu’il n’aimait pas ce qui se passait.
Est-ce qu’il va lui tirer dessus ? se demanda-t-elle.
Mais la femme s’éloigna encore de quelques pas hésitants du motel. Peut-être, pensa Riley, qu’Orin et Heidi avaient finalement perdu l’envie de tuer à nouveau. Mais Riley se sentait encore plus incertaine que jamais sur ce qui se passait. Si le couple avait vraiment laissé partir l’otage, qu’allaient-ils faire ensuite ? Que pourraient-ils faire ?
Ils pourraient se rendre, pensa Riley.
Ou ils pourraient se battre.
C’était certain, résister serait du suicide. Riley avait une idée de ce à quoi il fallait s’attendre si les coups de feu commençaient. Le couple n’avait aucune chance dans une vraie fusillade, pas contre une équipe comme celle-ci. Ils n’étaient pas susceptibles de résister à une telle puissance de feu, et ils seraient sûrement à court de munitions bien avant que l’équipe ne le soit. Leur seul dilemme était de se rendre ou de mourir.
La femme remonta en silence la petite allée devant la chambre, puis descendit un trottoir pour rejoindre le parking. Riley regarda Crivaro, se demandant ce que son mentor pensait faire ensuite. Serait-il prêt à se mettre à découvert pour intercepter la femme, puis s’assurerait-il qu’elle soit conduite en lieux sûr ? Pour le moment, il ne montrait aucun signe de changement de sa position accroupie derrière le SUV.
Puis les pas de la femme s’accélérèrent de façon inquiétante. Elle s’approcha de Riley, apparemment sans l’avoir vue.
Enfin, Riley put voir le visage de la femme. Ce n’était pas un otage. C’était Heidi Wright elle-même et elle sortait quelque chose de sa veste.
Elle a une arme, réalisa Riley.
Riley savait ce qu’elle devait faire, et pourtant, elle hésita.
L’arme de la fille fit feu, dispersant des tirs mal cadrés à travers les barrières qui protégeaient les policiers et les agents. Puis elle repéra Riley. Elle fit un sourire étrangement innocent en tournant son arme vers la jeune agent.
Pendant ce qui semblait être une fraction de seconde interminable, Riley fixa le canon du pistolet. Puis elle réalisa qu’elle avait déjà levé sa propre arme et la pointait droit vers le centre de la poitrine d’Heidi.
Riley ne tira qu’un seul coup.
Heidi tituba en arrière, et son pistolet lui tomba des mains. Son sourire disparut, remplacé par ce qui semblait être une expression de choc et de consternation. Puis elle s’écroula sur le sol.
Riley put entendre la voix d’Orin.
— Heidi ! cria le jeune homme.
Elle se retourna et vit plusieurs policiers se précipiter vers la porte du motel. Avec un regard d’horreur stupéfait, Orin sortit de la chambre. Il levait les mains en l’air en regardant sa petite amie en détresse de l’autre côté du parking. Il resta complètement docile alors qu’un des policiers lui mit les menottes et lui lut ses droits.
Saisi d’une profonde horreur, Riley se dirigea vers le corps de la fille. Du sang jaillissait de sa poitrine blessée, colorant la couche de neige sur le trottoir. Les yeux d’Heidi étaient grands ouverts, et sa bouche remuait en silence alors qu’elle prenait ses dernières inspirations. Puis elle s’immobilisa complètement. L’expression de son visage mort semblait d’une tristesse indicible.
Riley fut parcourue de tremblements, et son pistolet faillit tomber de sa main. Soudain, l’agent Crivaro était à ses côtés et lui prit doucement l’arme.
Riley se sentit complètement engourdie.
— Qu’est-ce que j’ai fait ? s’entendit-elle dire.
Crivaro mit ses bras autour de ses épaules.
— Tu as bien fait, Riley, la rassura-t-il. Tu as fait ce que tu avais à faire.
Mais Riley ne pouvait que répéter…
— Qu’est-ce que j’ai fait ?
— Viens, on va te trouver un endroit où tu pourras t’asseoir, dit Crivaro.
Riley ne pouvait à peine tenir sur ses pieds alors que Crivaro l’emmenait doucement vers un fourgon de police. Elle pouvait encore sentir les yeux de la fille morte qui la fixait.
J’ai tué quelqu’un, pensa-t-elle.
Elle n’avait encore jamais tué qui que ce soit.
Et maintenant elle n’avait aucune idée de comment elle allait gérer cela.
CHAPITRE DEUX
Quand le fiancé de Riley, Ryan Paige, essaya de mettre son bras autour de ses épaules, elle s’éloigna. Ce n’était pas la première fois ce soir qu’elle évitait son contact. Elle était sûre que cela l’avait blessé, mais elle ne pouvait pas s’en empêcher.
Après la fusillade de Jennings, Riley était retournée à Quantico avec Jake puis avait fait le trajet jusqu’à Washington. Elle était assise à côté de Ryan sur le canapé de leur petit appartement au sous-sol, mais son esprit était encore entièrement focalisé sur ce qui s’était passé plus tôt durant cette longue journée.
Riley pouvait encore voir le regard sans vie d’Heidi Wright fixant la neige, et elle ne pouvait pas se débarrasser de ce sentiment de culpabilité. Elle savait que c’était irrationnelle, mais elle ne se sentait pas digne de l’affection de qui que ce soit pour le moment.
— Qu’est-ce que je peux faire ? demanda Ryan.
— Rien, répondit-elle. Reste simplement avec moi.
Ils restèrent assis l’un contre l’autre sans rien dire de plus, et Riley fut soulagée par la présence de Ryan. Ils avaient eu leur lot de différends au cours des derniers mois, mais à cet instant, il ressemblait beaucoup au beau, sérieux et attentionné jeune homme dont elle était tombée amoureuse au cours de son dernier semestre à l’université.
Pendant ce temps, son esprit repassait en revue ce qui s’était passé depuis qu’elle avait tiré sur Heidi. Tout était devenu flou, et pendant le vol de retour à Quantico, l’agent Crivaro n’avait cessé de lui dire qu’elle était en état de choc.
Je le suis toujours, je suppose, pensa-t-elle.
Elle en avait encore tous les symptômes physiques, y compris une sensation de froid, les mains moites, ainsi que des étourdissements réguliers et une confusion générale.
Combien de temps faudrait-il avant que ces symptômes ne disparaissent ?
D’un ton monotone qui lui avait semblé étrange, même à elle-même, elle raconta à Ryan tout l’incident. Elle fit tout ce qu’elle put pour ne pas lui décrire les événements à la troisième personne. Il lui fut difficile d’utiliser les mots « je » et « moi » pour décrire ses propres actions. Elle continuait à vouloir croire que tout cela était arrivé à quelqu’un d’autre.
Quand elle eut fini, Ryan dit d’une voix douce…
— Il y a une chose que je ne comprends toujours pas. Je suppose que c’est logique qu’Heidi ait fait semblant d’être un otage, au moins pendant quelques instants. C’était un bluff désespéré. Mais pourquoi est-elle venue directement sur le parking ? Pourquoi a-t-elle essayé de…
Ryan ne termina pas sa phrase, mais elle devinait les mots qu’il ne pouvait pas se résoudre à prononcer.
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