KEITH DIXON
Roman traduit de l’anglais
par Lamia L. Ishak
Copyright Keith Dixon 2016
Keith Dixon a fait valoir son droit en vertu de la Loi sur le droit d’auteur, dessins, modèles et brevets de 1988, comme l’auteur de cet ouvrage.
Tous droits réservés
ISBN : 9782956062424
Cet ouvrage ne pourrait en tout ou partie être reproduit, stocké dans ou intégré à un système informatique, ou transmis sous quelque forme et par quelque moyen que ce soit (électronique, mécanique, photocopie, enregistrement ou autre) sans l’autorisation écrite préalable de l’auteur.
Toute ressemblance à des personnes vivantes ou décédées est purement fortuite.
Pour tous ceux et celles qui se produisent, dans n’importe quel domaine
PREMIERE PARTIE
Fantasme ou Rêve
Elle n’avait jamais remarqué avant ce jour les pores énormes sur son nez et son menton. Plus il s’approchait, plus elle en était fascinée, elle dut détacher son regard pour ne pas les fixer.
- Mon chou, dit-il, je crois que tu n’as pas encore compris. Rappelle-toi, Nina est une fille sur le point de devenir une femme. Peux-tu me jouer cela ? Peux-tu devenir une femme en étant encore une jeune fille ?
- Je comprends, dit Mai.
- Vraiment, mon chou ? Nous commençons là une grande mission. Je dois voir que tu es capable d’être Nina. Tu as une responsabilité qui pèse lourd sur tes épaules et je dois être convaincu que tu ne me laisseras pas tomber.
- Je suis ici pour jouer la pièce, Pedro. Je connais la pièce. Je connais mon rôle. Est-ce qu’on peut réessayer ?
Son regard disait qu’il n’était pas impressionné. Mais sa bouche frémit brièvement en soumission, puis il haussa les épaules délibérément pour extérioriser ce qu’il ressentait. Elle se demandait si l’idée d’enseigner venait de lui.
Les autres acteurs étaient alignés sur les côtés de la salle de l’école caduque qu’ils utilisaient pour les répétitions. Certains fatigués lisaient des journaux ou envoyaient des texto. Un couple se parlait maintenant que Pedro donnait des instructions individuelles. Le premier jour et déjà une lassitude s’était installée. Encore un autre mois comme ça, pensa Mai, et il se pourrait que j’abandonne. Ne pas arriver au soir de la première. Gros titre choc : L’actrice prometteuse meurt d’ennui avant l’ouverture du spectacle. Le directeur cherche une remplaçante enthousiaste .
Petro s’était retiré sur sa chaise. Il souleva alors la queue de sa veste crème et s’assis avec l’extravagance d’un signe atterrissant sur une eau placide, les jambes écartées, les bras allongées sur le dos des chaises en plastique de chaque côté. Il lui fit un signe de tête.
Elle s’installa et reprit sa tirade, sa voix s’élevant dans la salle. La tirade était longue et pleine d’abstractions. Elle parlait de la nature, de la vie et expliquait qu’elle était l’âme du monde qui comprenait tout.
Pedro avait tourné la tête pour regarder par les fenêtres. Un ciel d’hiver tel un rideau de plomb. Des arbres nus dans le parc, des bâtonnets squelettiques s’élevant vers le haut. L’écho des voix des enfants s’élançaient encore, après dix ans de la fermeture de l’école par manque d’intérêt.
Elle arriva à une pause indiquée dans le texte et attendit une mesure avant de continuer. Elle sentit alors un changement dans sa voix – et savait que la prochaine partie serait mieux, elle savait que sa technique retrouvait enfin le sens du paragraphe.
Pedro tourna sa tête dans sa direction et leva une main pâle. C’était la main de ‘stop’ qu’elle commençait à reconnaître. Il se leva et se dirigea à nouveau vers elle, ses semelles en cuir claquant sur le parquet.
- Oui, dit-il. Oui. Je vois ce que tu fais. Tu joues avec ta voix. Tu y ajoutes de l’importance, un certain… courage. Mais écoute-moi, cela ne marchera pas. Je connais les astuces. Et si je connais les astuces, c’est que les autres les connaissent également. On ne doit utiliser aucune astuce, ici. Tu comprends ?
Mai sentait ses joues viraient au rouge. Il semblait que rien n’arriverait à rendre cet homme heureux. Elle n’osait pas regarder les autres acteurs au cas où ils la regardaient. Elle préféra plutôt baisser les yeux et attendre qu’il dise quelque chose. N’importe quoi.
Le silence s’étendit jusqu’à ce qu’elle le regarda finalement, empêchant la colère d’être divulguée par son regard. Il souriait cette fois-ci, en dévoilant ses dents aussi carrées que des pierres tombales et jaunies par le tabac. Il pensait avoir remporté une victoire.
- Tu es une fille intelligente mais tu ne m’auras pas. J’ai fait ça maintes fois. Tu… Tu es une fille de la télévision. Tu ne sais pas ce que c’est des répétitions. Tu as du talent, mais tu crois que les répétitions consiste à se trouver au bon endroit et de savoir où se trouve la caméra pour que tu l’ignores.
- Ce n’est pas une raison pour m’agresser, Pedro. Parle-moi comme un être humain et je ferais ce que tu veux.
Ses petits yeux s’arrondirent telles des billes.
- Il ne s’agit pas de ce que je veux, Mai. Il s’agit de ce nous voulons atteindre, ici, ensemble. J’ai des idées et toi aussi… probablement. Alors, que peut-on faire ensemble ? Dis-moi.
Quelques acteurs avaient entendu le ton de la conversation et leurs visages s’étaient tournés dans leur direction. Elle sentit leur attention comme une chaleur sur son visage.
Mai avait supporté de nombreux directeurs en travaillant sur Amberside Terrace , son émission télévisée de longue durée. Elle avait appris qu’on ne discutait pas avec un directeur. Le mieux à faire était de ne pas les offenser. Ils passeront à autre chose et vous serez toujours là, plus usée et un peu plus cynique, mais vous rentrerez toujours chez vous avec un bulletin de salaire. Et, elle se rappela qu’elle était là pour apprendre, après tout.
Elle dit d’une voix calme :
- Je dois réfléchir à ce que tu dis. Reprenons au début de la scène pour que je réussisse à me mettre dedans, bien la jouer.
- Ça, c’est la réponse d’une fille raisonnable. D’accord. Reprenons !
Il se tourna vers la troupe, maintenant attentive : Nous commençons à la première scène. Jeremy, est-ce que tu peux venir ici, s’il-te-plaît ?
Mai regarda les autres acteurs, son visage complètement effacé.
A la pause-déjeuner, Lucy s’était assise à côté d’elle avec un sac de sandwichs. Elle les sortit et les posa sur une serviette qu’elle avait soigneusement dépliée sur ses genoux. Elle était de quelques années plus âgée que Mai, jolie blonde avec un teint mat qu’elle perdrait sûrement avant le soir de première. Elle avait l’air d’une personne poursuivie pour un meurtre qu’elle n’avait pas commis – un air grave, si calme, en conflit avec le monde.
- C’est toujours comme ça au début, dit-elle à Mai sans la regarder. Perfectionner sa réputation. N’y fais pas attention.
Mai éplucha son orange, remit la peau dans sa boîte-déjeuner, toujours fastidieuse, sûrement dû aux gènes de sa mère.
- Je suis habituée aux hommes qui agissent comme des connards. Il ne voulait pas écouter.
- Il le fera. Il t’a vu à la télé. On t’a tous vu.
- Ce n’est pas la même chose, non ? Dix secondes d’émotions une fois par mois. Le reste du temps, c’est atteindre ses objectifs et réciter des lignes. Il n’avait pas aussi tort que ça.
Lucy s’immobilisa, un sandwich à mi-chemin de sa bouche. Elle fronça les sourcils, puis se tourna vers Mai.
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