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Vernor Vinge: Un feu sur l'abîme

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Vernor Vinge Un feu sur l'abîme

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Un feu sur l’abîme Une expédition straumlienne, explorant une Archive dans la presque Transcendance, a déchaîné une Perversion sur la galaxie entière. Un unique navire est parvenu à fuir dans la nuit épouvantable. À travers l’espace, il fonce vers le centre de la galaxie, vers Les Lenteurs où l’on ne peut pas dépasser la vitesse de la lumière, où les systèmes informatiques les plus performants — même les si lentes intelligences biologiques — subissent une perte de leurs facultés. Il cherche un monde où se poser. Les deux seuls survivants de l’expédition détiennent sans le savoir la clé du salut de millions de civilisations, dont certaines sont bien plus anciennes que l’humanité : ce sont deux enfants, Johanna et Jefri, abandonnés à eux-mêmes sur un monde médiéval, dont les conflits et les cruautés ne le cèdent en rien à ceux de la galaxie. Et ceux qui voudraient les aider, et sauver du même coup la galaxie civilisée, se trouvent encore à des milliers d’années-lumière… Un feu sur l’abîme

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— Je sais. Mais nous existons. Et cela prouve quelque chose. Les humains ont trouvé dans cette archive bien plus qu’un mal.

— Peut-être deux.

— Ou bien un antidote. Quoi qu’il en soit, la magnitude est passée à côté de certaines choses et en a mal interprété d’autres. Tant que nous existons, pendant que nous sommes là, nous devons faire tout ce que nous pouvons.

Le fantôme s’étala sur une douzaine de stations de travail et montra à son compagnon une vue d’un ancien tunnel à l’écart des installations humaines. Durant cinq milliards d’années, il avait été abandonné, sans air et sans lumière. Deux humains s’y tenaient dans le noir, leurs casques en contact.

— Vous voyez ? Sjana et Arne conspirent. Nous pouvons faire comme eux.

L’autre ne répondit pas avec des mots. Maussade. Les humains conspiraient, et alors ? Ils se cachaient dans l’ombre, où ils croyaient qu’on ne pouvait pas les épier. Mais tout ce qu’ils disaient parvenait sans nul doute à la magnitude, même la poussière sous leurs chaussures suffisait.

— Je sais, je sais. Mais nous existons, vous et moi, et cela devrait être, également, une impossibilité. Peut-être que, tous ensemble, nous pouvons faire en sorte qu’une impossibilité encore plus grande se réalise. Peut-être avons-nous le pouvoir de contrer le mal qui vient de naître ici.

À la fois un vœu et une décision. Ils nébulisèrent leurs courants de conscience sur l’étendue du réseau local, et prirent la coloration la plus pâle de la concertation. Finalement il en sortit un plan, un stratagème. Sans valeur, sauf à faire parvenir leur idée, séparément, à l’extérieur. Mais en avaient-ils encore le temps ?

Des jours passèrent. Pour la malignité qui grandissait dans les nouvelles machines, chaque heure était plus longue que la totalité du temps écoulé auparavant. Le nouveau-né était maintenant à moins d’une heure de sa floraison, de son grand déploiement à travers les espaces interstellaires.

On allait bientôt pouvoir se passer des humains locaux. Dès à présent, ils représentaient une gêne, même s’ils étaient amusants. Certains songeaient sérieusement à s’échapper. Depuis plusieurs jours, ils mettaient leurs enfants en sommeil cryotechnique et les rangeaient à bord de leur vaisseau. Ils décrivaient cela, dans leurs programmes, comme des « préparatifs en vue d’un départ normal ». Depuis des jours, ils préparaient leur frégate, derrière un masque de mensonges transparents. Certains d’entre eux se rendaient compte qu’ils avaient réveillé quelque chose qui pouvait signifier la fin de leur Domaine Straumli. Les précédents à de tels désastres ne manquaient pas. Nombreuses étaient les races qui avaient ainsi joué avec le feu et qui s’étaient brûlées.

Aucun d’eux, cependant, n’avait véritablement deviné la vérité. Aucun ne se doutait de l’honneur qui leur était échu ni du fait qu’ils avaient changé l’avenir de mille millions de systèmes stellaires.

Les heures se réduisirent en minutes, les minutes en secondes. Et chaque seconde, à présent, était aussi longue que tout le temps qui s’était écoulé jusque-là. L’épanouissement était proche, très proche. L’empire vieux de cinq milliards d’années allait être récupéré et, cette fois-ci, conservé. Une seule chose manquait, mais c’était sans rapport avec les machinations des humains. Dans l’archive, au cœur des recettes, il aurait dû y avoir un peu plus de substance. Sur une durée de plusieurs milliards d’années, il pouvait y avoir une certaine perte. Le nouveau-né ressentait tous ses pouvoirs antérieurs, en puissance… et, cependant, il aurait dû y avoir plus, quelque chose qu’il avait appris dans sa chute, quelque chose que ses ennemis (si toutefois ils existaient vraiment) avaient laissé derrière eux.

Longues secondes passées à sonder les archives. Il y avait des trous, des sommes de contrôle endommagées. Une partie des dommages était causée par l’âge…

Au-dehors, le vaisseau de conteneurs et la frégate s’élevèrent au-dessus du terrain d’atterrissage, portés par leurs agravs silencieux au-dessus des plaines gris sur gris et des ruines vieilles de cinq milliards d’années. Près de la moitié des humains se trouvaient à bord de ces vaisseaux. Leur tentative de fuite avait été soigneusement camouflée. Leur dérisoire effort avait été toléré jusqu’à présent. Le temps de la floraison n’était pas tout à fait arrivé, et les humains avaient encore une certaine utilité.

Au-dessous du niveau de la conscience suprême, les inclinaisons paranoïdes de celle-ci exploraient frénétiquement les bases de données des humains. Elles vérifiaient par acquit de conscience. Par simple acquit de conscience. Le plus vieux réseau local des humains utilisait des connexions qui fonctionnaient à la vitesse de la lumière. Des milliers de microsecondes furent passées ( gaspillées ) à bondir et à rebondir dans tous les coins du réseau, et à trier le tout-venant, jusqu’à ce qu’un détail incroyable finisse par émerger.

Inventaire : Conteneur de données quantiques. Quantité : 1. Chargé dans la frégate cent heures plus tôt !

Toute l’attention du nouveau-né se tourna vers les vaisseaux en fuite. De simples microbes, mais qui étaient soudain devenus pernicieux. Comment une chose pareille a-t-elle pu arriver ? Un million de programmes furent soudain avancés. Une floraison dans les règles était à présent hors de question, et l’utilité des humains restés au Lab Haut avait pratiquement disparu.

Malgré sa signification cosmique, le changement était infime. Pour les humains restés sur place, il y eut un moment d’horreur quand ils regardèrent leurs écrans et comprirent que leurs craintes s’étaient réalisées (mais sans se rendre compte à quel point elles étaient dépassées par la situation).

Cinq secondes, dix secondes, plus de changement qu’en dix mille ans de civilisation humaine. Un milliard de billions de constructions, la moisissure recouvrant chaque mur, reconstruisant ce qui était simplement surhumain. C’était aussi puissant qu’une floraison, sans en avoir la subtilité.

On ne doit surtout pas perdre de vue la raison de toute cette hâte, la frégate. Elle s’était mise en mode propulsion fusée pour s’éloigner, indifférente, du lourd cargo. Sans le savoir, ces microbes devaient avoir conscience, d’une certaine manière, qu’ils avaient beaucoup plus qu’eux-mêmes à sauver. Le vaisseau de guerre possédait les meilleurs ordinateurs de navigation que des esprits petits fussent capables de fabriquer, mais trois secondes entières allaient encore s’écouler avant le premier saut en ultrapoussée.

La nouvelle Puissance ne possédait pas d’armes au sol. Elle ne disposait de rien d’autre qu’un laser comm, qui n’aurait même pas pu faire fondre de l’acier à la distance où était la frégate. Le laser fut néanmoins braqué et pacifiquement accordé sur les récepteurs du vaisseau en fuite. Il n’y eut aucune réponse. Les humains connaissaient trop le prix à payer s’ils communiquaient. La lumière du laser balaya plusieurs endroits de la coque où se trouvaient des saillies et des capteurs inactifs, puis glissa le long des arêtes d’ultrapoussée. Elle explorait, sondait. La Puissance ne s’était jamais donné la peine de saboter la coque. Mais ce n’était pas un problème. Malgré son caractère rudimentaire, la machine avait des milliers de capteurs robots répartis sur toute sa surface. Leur rôle était d’indiquer différents paramètres et dangers, mais aussi de permettre le fonctionnement de programmes utilitaires. La plupart de ceux-ci, cependant, avaient été coupés. Le vaisseau fuyait en aveugle, ou presque. Ils devaient se croire plus en sécurité en ne regardant pas.

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