Philip Dick - La transmigration de Timothy Archer

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La transmigration de Timothy Archer: краткое содержание, описание и аннотация

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« Barefoot tient ses séminaires sur sa péniche à Sausalito. Cela coûte cent dollars pour comprendre les raisons de notre présence sur cette terre. On vous offre aussi un sandwich, mais je n’avais pas faim ce jour-là. John Lennon venait de se faire tuer et je crois savoir pourquoi nous sommes sur cette terre. C’est pour découvrir que ce que vous aimez le plus vous sera enlevé, sans doute à cause d’une erreur en haut lieu plutôt qu’à titre délibéré. »
Ainsi parle Angel Archer, la narratrice de ce roman qui, un soir qu’elle lisait La Divine Comédie en se soûlant au bourbon pour cause de rage de dents, a traversé les apparences. Comme les a traversés Timothy Archer, évêque, le jour où il s’est demandé si Jésus-Christ n’était qu’un trafiquant de drogue. Comme les a traversées enfin Dick le camé, le paranoïaque, le schizo, le magicien du simulacre et du délire.

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— Oui, c’est ce qui s’est produit, répondis-je. Lui faire un lavage d’estomac ne servait à rien ; c’était déjà dans son organisme.

— Voudriez-vous venir ? demanda Tim. Votre présence me serait un réconfort.

— J’ai Harvey avec moi », dis-je.

Mon petit frère leva les yeux.

Je déclarai à son intention : « Kirsten est morte. »

« Ah ? » Il hocha la tête, puis, au bout d’un moment, se pencha de nouveau sur son modèle réduit. C’est comme dans Wozzeck, pensai-je. Exactement comme à la fin de Wozzeck. Toujours pareille à moi-même, l’intellectuelle de Berkeley, envisageant n’importe quoi en m’appuyant sur des références culturelles : opéras, romans, oratorios, poèmes – sans parler des pièces de théâtre.

Du ! Deine Mutter ist tot !

Et l’enfant de Marien, à qui l’on vient ainsi d’apprendre la mort de sa mère, ne sait que répéter :

Hopp, hopp ! Hopp, hopp ! Hopp, hopp !

Tu ne vas pas le supporter, pensai-je, si tu continues comme ça. Le petit garçon qui assemble son modèle réduit, sans rien comprendre : c’était doublement horrible, et c’était ce qui m’arrivait, à moi, maintenant.

« Je viens, dis-je à Tim. Dès que j’aurai trouvé quelqu’un pour s’occuper d’Harvey.

— Vous pourriez l’amener, proposa Tim.

— Non », fis-je en secouant la tête par réflexe.

Je priai une voisine d’accueillir Harvey pour le restant de la journée, et peu après j’étais en route pour San Francisco, roulant sur le Bay Bridge au volant de ma Honda.

Et toujours les paroles écrites par George Buchner pour l’opéra de Berg me bouillonnaient dans la tête, de façon obsessionnelle. Je me mis à pleurer tout en conduisant ; les larmes me coulaient sur les joues ; j’allumai la radio de la voiture et enfonçai touche après touche, essayant station après station. Sur une station de rock je captai un vieux morceau de Santana ; j’augmentai le volume et, tandis que la musique se répercutait à l’intérieur du petit habitacle, je poussai un hurlement. J’entendais :

You ! Your mother is dead [5] Toi ! Ta mère est morte ! (équivalent de la citation précédente de Wozzeck en Allemand). !

Je faillis rentrer dans une grosse voiture américaine et je dus faire une embardée vers la voie située à ma droite. Ralentis, me dis-je. Nom de Dieu, deux morts, ça suffit. Tu veux en ajouter une troisième ? Alors, continue à conduire comme ça : ça en fera trois, sans compter celles des occupants de l’autre voiture. Je me souvins alors de Bill. Bill Lundborg le Dingue, qui passait sa vie dans les asiles. Est-ce que Tim l’avait appelé pour le prévenir ? Il faudra que je le lui dise, pensai-je.

Bill avec son visage rond et son air doux, cette douceur flottant autour de lui comme une odeur de trèfle nouveau, ses pantalons trop larges et sa mine béate de ruminant satisfait. Le bureau de poste va avoir droit à une nouvelle tournée de vitres cassées, méditai-je. Il va y entrer et va se mettre à tout briser jusqu’à ce qu’il ait les bras en sang. Et ensuite on va le réenfermer quelque part ; mais quelle importance pour lui puisqu’il ne connaît pas la différence ?

Comment a-t-elle pu lui faire ça ? me demandai-je. Quelle méchanceté. Quelle cruauté abyssale envers nous tous. Elle nous haïssait vraiment. C’est notre punition. Je me croirai toujours responsable ; Tim se croira toujours responsable ; et Bill aussi. Et bien entendu aucun de nous n’est fautif, même si pourtant en un sens nous le sommes tous, mais de toute façon c’est maintenant à côté de la question, c’est nul et non avenu et vide, totalement vide, comme dans « le vide infini », le sublime non-Être de Dieu.

Il y a quelque part dans Wozzeck un vers qu’on peut traduire, grossièrement, par « Le monde est affreux ». Oui, me dis-je en continuant à foncer sur le Bay Bridge sans me soucier de ma vitesse, ça résume tout. C’est du grand art : « Le monde est affreux. » Tout est dit. Et c’est pour nous répéter ça que nous payons les compositeurs, les peintres et les grands écrivains ; ils gagnent leur vie en aboutissant à ce constat. Quelle perspicacité incisive. Quelle intelligence pénétrante. Un rat dans un égout pourrait vous en dire autant, s’il avait le don de la parole. Si les rats pouvaient parler, je ferais tout ce qu’ils diraient. Je connaissais une fille noire. Elle, ce n’étaient pas les rats ; les rats, c’est pour moi – pour elle, disait-elle, c’étaient les araignées ; à savoir : « Si les araignées pouvaient parler. » Une fois elle avait piqué une crise de nerfs alors qu’on était à Tilden Park et nous avions dû la reconduire chez elle. Elle était très névrosée. Mariée à un type blanc… comment s’appelait-il ? Il n’y a qu’à Berkeley qu’on voit ça.

Here, tyrant Death. C’est un excellent titre, pensai-je, pas une parodie. Et Tim qui avait oublié, à sa manière habituelle, toujours autant dans les nuages, d’en parler à Kirsten. Ou plutôt il lui avait dit qu’il l’avait trouvé. Sans doute même le croyait-il. Toutes les idées valables de l’histoire du monde avaient été élaborées par Timothy Archer. C’est lui qui avait inventé le système solaire héliocentrique. Sans lui, nous en serions restés au modèle géocentrique. Où finit l’évêque Archer et où commence Dieu ? Un bon point. Il faudrait le lui demander ; il a sûrement la réponse, il la fournira grâce à une citation tirée d’un de ses livres.

Rien ne subsiste et tout est un bordel, pensai-je. Oui, c’était un bon énoncé. À suggérer à Tim pour graver sur la pierre tombale de Kirsten. Je repensais à toutes les vacheries que je lui avais lancées, sous le couvert de la plaisanterie. Son cerveau les enregistrait et les lui régurgitait, tard la nuit quand elle ne pouvait pas dormir, pendant que Tim sommeillait auprès d’elle ; elle ne pouvait pas dormir et elle prenait de plus en plus de barbituriques, ces saletés qui l’avaient tuée ; nous savions que ça se produirait un jour : la seule question, c’était de déterminer si ce serait un accident ou une overdose délibérée, à supposer qu’il y ait une différence.

Je m’étais attendue à trouver Tim effondré, les yeux rougis. Mais à ma grande surprise, quand j’arrivai à l’appartement, il me parut plus fort, plus solide que je ne l’avais jamais vu auparavant.

Il dit en me serrant contre lui : « J’ai une grosse affaire sur les bras.

— Vous voulez parler du scandale en perspective ? demandai-je. Ce sera annoncé dans les journaux et aux informations, je suppose.

— J’ai détruit une partie de la lettre qu’elle avait laissée pour expliquer son geste. La police est venue ici. Ils ont lu ce qui restait de la lettre. Ils vont sans doute revenir. J’ai de l’influence mais je ne peux empêcher la nouvelle de circuler. Tout ce que je peux espérer, c’est que les commentaires s’en tiennent aux conjectures.

— Que disait la lettre ?

— La partie que j’ai fait disparaître ? Je ne me souviens pas. Elle n’est plus là. Cela concernait notre vie, ses sentiments envers moi. Je n’avais pas le choix.

— Je suppose que non, dis-je.

— Quant au suicide, il ne fait aucun doute. Le motif est, bien entendu, sa peur d’avoir à nouveau un cancer. Et ils savent qu’elle était sous la dépendance des barbituriques.

— C’est le mot que vous emploieriez ? demandai-je. Vous diriez qu’elle était dépendante ?

— Certainement. C’est incontestable.

— Il y a longtemps que vous le savez ?

— Depuis que je l’ai rencontrée. Depuis que je l’ai vue en absorber pour la première fois. Mais vous le saviez.

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