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STEFAN WUL: RETOUR A «0»

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STEFAN WUL RETOUR A «0»

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Stefan Wul est un écrivain de Science Fiction français né en 1922 (c'est donc maintenant un vieux monsieur de presque 80 ans). Il se mit assez tard à la SF, vers 1950. Il avait écrit avant cette date, mais se lance dans le genre presque par hasard. Son premier roman "Retour à 0" propose l'idée de médecins réduits en taille introduits dans le corps du patient... idée qui sera reprise dans le film "Le voyage fantastique".

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«C'est très confortable, un fromage de gruyère». Ses hoquets secouaient spasmodiquement des étages de bulles.

Enfin, il se calma et fit sortir une lame coupante de son gantelet droit. Il taillada assez largement les alentours pour se mettre debout et remonta lentement dans le puits grossier qu'il pratiquait au-dessus de lui. Il sourit encore en pensant au gruyère et se dit que le terme «éponge» eût été plus juste, une éponge très légère et très molle.

Il chercha son chemin en repérant les endroits déchirés par sa chute. La tâche était difficile, car cette immense éponge avait immédiatement refermé ses plaies derrière lui. De plus, cette difficile ascension le fatiguait énormément. Utilisant les bulles comme des marches d'escalier, il s'agaçait d'y enfoncer à mi-jambe et de perdre les neuf-dixièmes de ses efforts à tasser derrière lui les débris coupée. Il montait à peine d'un mètre tous les quarts d'heure.

Au bout d'un temps, il s'arrêta. Se laissant aller en arrière, appuyé au mur plastique et confortable, il absorba un peu de Drinil et décida de se reposer.

Après plus de trois jours de solitude dans l'espace, après des moments d'une angoisse insupportable, il se sentait en parfaite sécurité. Sa dangereuse mission lui paraissait facile. Et cet étroit entourage de matière tangible, quoique inconnue, constituait un antidote moral parfait à la nausée du vide, qu'il avait pris en horreur pendant le voyage. Il avait l'impression de se trouver dans une chambre familière et rassurante. Le sommeil le surprit.

* * *

Un vieillard grand et sec, au visage tourmenté de rides, était allongé sur une espèce de hamac transparent, dans un angle de la pièce. Ses membres nus étaient étayés par de minces barres métalliques qui s'articulaient parfaitement à toutes les jointures, comme des tuteurs soutiennent le tronc d'un jeune arbre. Une tunique jaune d'or cachait son torse et ses reins.

Le son discret d'un gong se fit entendre. Le vieillard se redressa lentement et fixa un point du mur opposé. Le mur parut quelques instants frémir comme une toile et l'image d'un homme apparut comme sur un écran. L'homme s'inclina et attendit. Il paraissait à peu près nu sous un maillot collant et diaphane comme un bas, qui l'enveloppait depuis sa tête rasée jusqu'à ses pieds surélevés par de bizarres cothurnes. Un simple triangle d'étoffe rouge marquait son ventre.

– Eh bien? demanda le vieillard.

– Ancêtre vénéré, dit l'homme en s'inclinant de nouveau. Nos observateurs nous signalent l'arrivée de Jâ Benal. Il est tombé sur le Mont Circé.

– Alors?

– Étant donné la valeur exceptionnelle de ce savant, le Conseil a voté une motion projetant de vous demander de faire une exception pour lui. C'est un miracle qu'il ait réussi à alunir indemne, ses réacteurs étant hors d'usage. Il est actuellement enfoncé à deux cents mètres dans la couche spongieuse. Nos bio compas ne le quittent pas. Mais il n'a aucune chance contre les gôrs.

Le vieillard resta impassible quelque temps. Puis, il parla d'une voix lente et sèche.

– Je m'étonne que le Conseil ait songé une seconde à forfaire à la loi. C'est une réaction de primitifs imbéciles. Ce Jâ Benal doit faire ses preuves comme les autres.

Il y a cinquante ans, nos spécialistes ont mis en évidence que chaque homme était plus ou moins réceptif à la chance. Les progrès de la cryptobiologie en sont même à la mensuration mathématique de cette réceptivité. Résultat qui n'a malheureusement pas encore dépassé les expériences de laboratoire.

«Je ne veux pas, sur la Lune, accueillir un troupeau d'inutiles. La valeur intellectuelle et physique de cet homme ne m'intéresse en rien s'il n'est pas réceptif. Il a fallu que nous le soyons, nous, premiers convicts, pour organiser notre séjour ici, dans des conditions alors atroces. Il a fallu que je le sois encore plus que les autres, puisque je suis encore là aujourd'hui, seul survivant des temps héroïques, pour diriger vos destinées».

«Si cet homme meurt, je ne regretterai pas de l'avoir perdu, je regretterai d'avoir espéré un instant qu'il existait un individu de plus joignant les trois qualités: intelligence, force, réceptivité à la chance.

«Je sais que l'endroit de sa chute est le moins hospitalier de la planète: tant pis pour lui, c'est qu'il n'a pas de chance! Après tout, quand je suis arrivé ici, il y a cent quatre-vingt-dix-sept ans, j'ai touché la Lune dans la plaine des Rass, où les conditions de survie étaient beaucoup plus favorables qu'au Mont Circé, j'en conviens. Mais j'ai dû végéter plus de deux ans avant de me créer une retraite d'un hectare où j'ai pu subsister dans l'état de misère relative d'un contemporain du vingtième siècle. Les compagnons que j'ai accueillis, que j'ai sauvés, m'ont tous déçu. C'est alors que j'ai pris la résolution de ne leur prêter main-forte qu'après un mois de débrouillage personnel. Ce délai a été ramené à quinze jours terrestres pour d'autres raisons…»

«Non, quand je pense à tout cela, je considère que ces quinze jours, même dans l'enfer de Circé, constituent une épreuve à peine égale, sinon inférieure à ce que les premiers arrivants ont subi… Maintenant, laissez-moi».

Sur le mur-écran, l'envoyé du Conseil s'inclina profondément et disparut.

CHAPITRE VI

Quand Jâ Benal s'éveilla, frais et dispos, il reprit avec courage son travail d'ascension, un peu gêné par l'encombrement de son scaphandre. Longtemps, il tailla, arracha, refoula derrière lui des lambeaux d'éponge jaune. Par instants, il en examinait de près un morceau, cherchant à en comparer la texture avec toutes les matières terrestres qu'il connaissait. Il savait qu'elle ne contenait pas un atome de fer puisque son polyaimant n'agissait absolument pas sur elle. Il supposa qu'elle contenait une bonne proportion de silice. Il se perdit en conjonctures pour trouver la raison de son aspect criblé. Peut-être en un temps reculé appartenant à la préhistoire lunaire (il sourit en pensant que la préhistoire lunaire n'avait pris fin que trois siècles avant sa propre naissance), peut-être une grossière émulsion avait-elle été dégorgée d'un cratère. Ces bulles renfermaient certainement un gaz, mais lequel? Il eût été très imprudent de retirer son casque pour s'en faire une idée.

Il s'étonna de ne jamais avoir eu connaissance de cette bizarrerie lunaire. Mais il était probablement arrivé dans une contrée mal explorée. La Terre elle-même, malgré le degré de civilisation et les puissants moyens de ses habitants, réservait quelquefois des surprises, quoique ayant été sillonnée en tous sens depuis des millénaires.

Il coupait toujours à grands gestes carrés. Depuis quelque temps déjà, il avait remarqué que le diamètre des bulles augmentait, il en avait même rencontré d'énormes, de deux ou trois mètres de diamètre, et s'en était réjoui, pensant avancer plus vite. Il ne tarda pas à s'apercevoir que c'était une illusion. Cela lui évitait seulement d'avoir à tailler sa route, mais décuplait les difficultés d'ascension. Les élastiques parois ne donnaient que des prises illusoires et fuyantes et il était obligé de contourner ces bizarres cavernes. Bientôt, il ne réussit plus à trouver trace du passage de sa chute. Il s'était complètement perdu dans ce labyrinthe insensé.

Au bord du découragement, il sabra devant lui à coups furieux. Mais sa lame se brisa net sur un corps solide. Il s'arrêta, le cœur battant. Il poussa hors du poing une lame de rechange et tâtonna prudemment, cherchant à dégager l'objet dur qui lui barrait la route. Il mit à jour une espèce de plate-forme rocheuse et chercha à la contourner. Il passa une bonne heure à creuser un petit tunnel d'exploration le long de ce plafond. Puis il changea d'idée et continua son travail sur la gauche. Il n'avait pas fait trois mètres dans cette direction qu'il trouvait le rebord du rocher. Ce n'était qu'une plaque d'une dizaine de centimètres d'épaisseur.

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