Robert Silverberg - Le remissionnaire
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- Название:Le remissionnaire
- Автор:
- Издательство:Denoël
- Жанр:
- Год:неизвестен
- Город:Paris
- ISBN:2-207-30490-6
- Рейтинг книги:4 / 5. Голосов: 1
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« Vous voulez toujours me tuer ? j’ai demandé. Avez-vous l’intention de me tuer à présent ?
— Non et non. » Elle m’a de nouveau appelé par mon ancien nom. « Je ne saurais vous dire mon étonnement quand on vous a amené ici. Un rémissionnaire, m’a-t-on dit. John Doe. Les rémissionnaires, c’est mon rayon. On me les amène tous. Il y a quelques années je me demandais si votre tour ne viendrait pas un jour, mais j’ai fini par me dire : Non, il n’y a aucune chance, il est probablement à un million de kilomètres d’ici, il ne reviendra jamais comme ça. Et voilà qu’on m’amène ce John Doe, et que je vois votre figure.
— Et si je vous disais que je n’ai cessé de me sentir coupable de ce que je vous ai fait, arriveriez-vous à me croire ? Vous n’êtes pas obligée de me croire. Mais c’est la vérité.
— Je suis sûre que cela a été pour vous une interminable torture.
— Je vous assure que je suis sincère. J’ai arnaqué un tas de gens, d’accord, et tantôt je l’ai regretté, tantôt non, mais vous faites partie des cas que j’ai regrettés. Vous êtes celui que j’ai le plus regretté. C’est la vérité pure. »
Elle a pesé mes paroles. Je ne saurais dire si elle m’a cru ne serait-ce qu’une fraction de seconde, mais j’ai bien vu qu’elle pesait mes paroles.
« Pourquoi avez-vous fait ça ? m’a-t-elle demandé au bout d’un instant.
— J’arnaque certaines personnes parce que je ne veux pas sembler trop infaillible, lui ai-je expliqué. Vous accordez une rémission de temps en temps, on se passe le mot, vous commencez à devenir légendaire. On finit par vous connaître un peu partout et tôt ou tard les Entités vous mettent le grappin dessus. C’est aussi simple que ça. Alors je m’arrange toujours pour arnaquer une partie de mon monde. Je dis aux gens : Je vais faire de mon mieux, mais c’est sans garantie et ça ne marche pas à tous les coups.
— Vous m’avez délibérément trompée.
— Oui.
— C’est bien ce que je pensais. Vous aviez l’air si calme, si professionnel. Si infaillible. J’étais sûre que la rémission serait valable. Je ne voyais pas comment ça pouvait rater. Alors j’ai pris la direction du mur et je me suis fait coincer. J’ai tout de suite pensé : Ce salaud m’a trahie. Il était trop fort, pas du genre à simplement se planter. » Sa voix était calme mais il y avait toujours de la colère dans ses yeux. « N’auriez-vous pas pu arnaquer la personne suivante ? Pourquoi a-t-il fallu que ce soit moi ? »
Je l’ai regardée un long moment.
« Parce que je vous aimais, j’ai dit.
— Foutaises. Vous ne me connaissiez même pas. Je n’étais qu’une étrangère qui avait loué vos services.
— Justement ! J’étais là, tout soudain en train de fantasmer comme un fou sur vous, prêt à mettre sens dessus dessous ma vie bien ordonnée, et tout ce que vous arriviez à voir, c’était quelqu’un dont vous aviez loué les services. Je n’étais pas au courant pour le type de San Diego. Tout ce que je savais, c’était que je vous voyais et que je vous voulais. Vous ne pensez pas que c’est de l’amour ? Eh bien, appelez ça autrement, comme vous voulez. Je ne m’étais jamais laissé aller à pareil sentiment. C’est bête, je pensais, ça compromet ta liberté, les risques sont trop grands. Puis je vous ai vue, je vous ai parlé un peu et j’ai pensé qu’il pouvait se passer quelque chose entre nous. Quelque chose s’est mis à changer en moi, et je me suis dit : Ouais, ouais, vas-y, laisse-toi aller pour une fois, ça te fera peut-être voir le monde autrement. Et vous étiez là sans rien voir, sans même commencer à remarquer quoi que ce soit, à me tenir d’interminables discours sur l’importance qu’avait pour vous cette rémission. Alors je vous ai arnaquée. Et j’ai pensé ensuite : Doux Jésus, j’ai ruiné la vie de cette fille simplement pour m’être fait piéger, ce qui est vraiment de la dernière mesquinerie. D’où mes remords. Vous n’êtes pas obligée de me croire. Je ne savais pas pour San Diego. Ce qui ne fait que rendre les choses encore plus difficiles pour moi. » Elle était restée sans rien dire durant tout mon discours, et le silence se fit énorme. Au bout d’un moment j’ai repris : « Dites-moi une chose au moins. Le type qui m’a démoli à Pershing Square, qui était-ce ?
— Ce n’était personne.
— Comment ça ?
— “Qui” n’est pas le bon terme. C’est un “que” qui s’impose ici. Il s’agit d’un androïde, d’une unité mobile antirémissionnaires, directement reliée au système central des Entités à Culver City. Quelque chose de nouveau que nous faisons circuler en ville.
— Ah ! j’ai fait. Ah !
— Il paraît que vous lui avez donné du fil à retordre.
— Il m’en a donné aussi. Failli me mettre le cerveau en compote.
— Vous en étiez à essayer de boire la mer avec une paille. Pendant un moment vous avez même donné l’impression que vous alliez y arriver. Vous êtes un sacré bidouilleur, savez-vous ?
— Pourquoi êtes-vous allée travailler pour les autres ? » j’ai enchaîné.
Elle a haussé les épaules. « Tout le monde travaille pour eux. Sauf les gens comme vous. Vous m’avez pris tout ce que j’avais sans me donner ma rémission. Qu’est-ce que j’étais donc censée faire ?
— Je vois.
— Ce n’est pas si terrible. Au moins je ne suis pas affectée au mur. Ou bonne pour les T.D.R.
— Non. Ce n’est probablement pas si terrible. Si ça ne vous fait rien de travailler dans une salle si haute de plafond. C’est ça qui m’attend ? Les T.D.R. ?
— Ne soyez pas stupide. Vous êtes trop précieux.
— Pour qui ?
— Le système nécessite toujours des améliorations. Vous le savez mieux que n’importe qui. Vous travaillerez pour nous.
— Vous pensez faire de moi un borgmann ? » J’étais stupéfait.
« C’est mieux que les T.D.R. »
Nouveau silence de ma part. Elle ne pouvait pas parler sérieusement, il faudrait qu’ils soient les derniers des idiots pour me confier le moindre poste comportant des responsabilités. Et de complets abrutis pour me laisser près de leur ordinateur.
« Très bien, ai-je fait. C’est d’accord. À une condition.
— Vous ne manquez pas de cran, hein ?
— Accordez-moi une revanche avec votre androïde. Il faut que je vérifie quelque chose. Ensuite nous pourrons discuter du genre de travail susceptible de me convenir le mieux chez vous. D’accord ?
— Vous savez que vous n’êtes pas en situation de poser des conditions.
— Et comment que j’y suis ! Ce que je fais avec les ordinateurs est un art unique. Vous ne pouvez pas me le faire exercer contre mon gré. Vous ne pouvez rien me faire faire contre mon gré. »
Elle s’est accordé un temps de réflexion. « À quoi bon une revanche ?
— Personne ne m’a jamais battu. Je veux une deuxième rencontre.
— Vous savez que ce sera pire qu’avant.
— Laissez-moi m’en assurer.
— Mais à quoi ça rime ?
— Amenez-moi votre androïde et je vous montrerai à quoi ça rime. »
Elle s’est laissé convaincre. Peut-être était-ce de la curiosité, peut-être autre chose, en tout cas elle s’est branchée sur le réseau informatique et, en un rien de temps, on a amené l’androïde que j’avais rencontré dans le parc, ou peut-être un autre ayant le même visage. Il m’a jeté un regard aimable, sans la moindre lueur d’intérêt.
Quelqu’un est venu enlever le bracelet de sécurité de mon poignet et s’est retiré. Elle a donné ses instructions à l’androïde, celui-ci m’a tendu son poignet et nous avons établi le contact. Et je suis aussitôt parti à l’attaque.
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