– Pas du tout. C’est de la compétence, dit Marcello en insistant. Ne sous-estime pas tes talents. Je suis fier que nous ayons un nouveau vin délicieux à offrir à ce critique renommé le jour de son arrivée.
Olivia sentit son estomac se nouer à cette idée. Décidant de passer à un sujet moins effrayant, elle parla précipitamment.
– As-tu fini le travail pour la journée ? Tu as prévu quelque chose ce soir ?
Dès qu’Olivia eut prononcé ces mots, elle se dit qu’elle aurait aimé pouvoir les effacer parce qu’elle avait finalement donné l’impression d’être beaucoup trop impertinente. Elle avait presque demandé à Marcello s’il était libre ce soir. C’était foireux. Plusieurs mois auparavant, Olivia avait conclu que, pour qu’il y ait une histoire d’amour entre eux, il faudrait que ce soit son magnifique patron qui fasse le premier pas. Elle ne pouvait pas insister elle-même, car elle avait trop à perdre. Si leur histoire se passait mal, cela pourrait faire courir des risques à son emploi et à son avenir à l’exploitation viticole.
– Plus tard ce soir, j’ai une conférence téléphonique avec un fournisseur des États-Unis, dit Marcello en levant un sourcil. Le nouveau rosé est une nouvelle passionnante dont je compte parler lors de cette discussion.
Déçue, Olivia se força à sourire poliment. Ce n’était pas ce qu’elle avait espéré l’entendre dire.
Cependant, quand il parla à nouveau, il le fit d’un ton charmeur.
– Mis à part ça, je préparerai des pâtes et je boirai un verre de vin rouge. Le plat que j’ai prévu pour ce soir est le Ragu al Cinghiale. C’est un plat toscan traditionnel et délicieux que l’on prépare avec du sanglier sauvage, actuellement en vente à la boucherie du village.
– Du sanglier sauvage ? demanda Olivia.
Marcello hocha la tête.
– Les sangliers sauvages se reproduisent de manière prolifique. Donc, tous les ans, des chasseurs déclarés en tuent un nombre limité dans cette région. Comme ça, les populations présentes dans les forêts restent saines et durables et les sangliers ne sont pas forcés de saccager les vignobles ou les fermes pour trouver à manger, ce qui pourrait bien sûr être dangereux.
– Vraiment ? demanda Olivia, fascinée.
Il y avait des sangliers sauvages dans les bois ? Elle ne l’avait jamais su !
– Je prépare ce plat délicieux pendant les mois les plus froids, pendant la saison où cette viande est disponible. Je crois que j’arrive à le préparer de façon quasi-parfaite. La prochaine fois, je pourrai peut-être t’inviter à essayer le résultat.
Olivia avait le vertige. C’était une invitation. Pas une invitation directe mais, au moins, il y avait du progrès.
– J’adorerais, dit-elle. Je ne suis pas une cuisinière exceptionnelle, mais je crois que ma plus grande réussite jusqu’ici a été le ragoût Pappa al Pomodoro à base de pain rassis, de haricots et de tomates. Quand je saurai bien préparer ce plat, je serai heureuse d’avoir ton opinion.
– Ce sera un plaisir, promit Marcello en inspirant profondément. Entre temps —
Olivia sentit son cœur bondir. Dans la manière dont il avait prononcé ces mots, il y avait du potentiel. Elle se sentit tout affolée par ce qui allait peut-être se passer.
Alors, le téléphone de Marcello sonna.
En fronçant les sourcils pour s’excuser, il vérifia l’identité de celui qui l’appelait puis répondit et se dirigea énergiquement vers son bureau.
Olivia le regarda partir, bouche bée, déçue.
Ils avaient été sur le point de se donner rendez-vous. Elle en était certaine. Maintenant, son attention avait encore été détournée, et qui savait pour combien de temps ? C’était terriblement frustrant et Olivia commençait à se demander si leur histoire d’amour naissante ne risquait pas de rester perpétuellement en suspension.
Avec un soupir frustré, elle se détourna et repartit sur l’allée. Alors, elle entendit un bruit familier de sabots. Erba l’avait rejointe.
Marcello n’avait personne d’autre, décida Olivia. Elle s’en était beaucoup inquiétée pendant les dernières semaines mais avait décidé qu’il n’avait personne. Il était préoccupé par son entreprise, qui était à court de liquidités à cause de son expansion récente. De plus, Olivia devinait qu’il avait peur de s’impliquer à nouveau, surtout avec une employée.
Après Gabriella, elle ne pouvait pas le lui reprocher, se dit Olivia avec ressentiment.
À sa grande surprise, quand elles furent rentrées, Erba ne partit pas directement vers la grange comme elle le faisait habituellement pour manger de la luzerne après sa promenade. Elle trotta jusqu’à l’énorme entrée obscure, jeta un coup d’œil à l’intérieur, recula comme si elle avait eu peur puis revint vers Olivia en sautillant.
– Que se passe-t-il ? demanda-t-elle à la chèvre, perplexe.
Alors, Olivia écarquilla les yeux quand elle entendit un grattement distant et un bruit sourd qui venait de l’intérieur de la grange.
Elle déglutit avec difficulté.
Il y avait quelqu’un – ou quelque chose – à l’intérieur et Erba l’avait senti.
Olivia approcha prudemment en se rappelant ce que Marcello avait dit sur le sanglier sauvage. Et si une de ces créatures agressives s’était aventurée hors des bois et installée dans son futur bâtiment de vinification ?
Olivia commença à se dire qu’il vaudrait mieux éviter d’aller voir. Ça pourrait être dangereux.
Elle se dit qu’elle devrait au moins avoir une arme. Heureusement, la pelle qu’elle avait utilisée pour planter des bulbes quelques jours auparavant était encore appuyée contre le mur. Pour une fois, être désordonnée s’avérait être une bénédiction.
Olivia prit la pelle et la tint des deux mains, comme une batte de base-ball.
Quand elle la remua pour l’essayer, un morceau de terre qui avait été collé à la partie métallique lui tomba sur la tête.
– Merde, marmonna Olivia quand des morceaux de terre lui tombèrent en cascade sur le visage et qu’une grande partie se logea dans ses cheveux.
Elle avait espéré passer une soirée tranquille. À l’heure qu’il était, elle aurait dû nourrir Erba et commencé à préparer son dîner. Au lieu de cela, elle était dans sa grange et elle se ramassait de la terre sur la tête pendant qu’elle tentait de se défendre contre un péril inconnu.
Olivia fit tomber la terre en secouant la tête et la sentit se répandre sur ses épaules. Alors, elle avança furtivement vers la grange.
Elle s’arrêta à l’entrée. Les bruits de grattement et d’écrasement s’étaient arrêtés. Était-ce une bonne ou une mauvaise nouvelle ? Elle ne savait pas.
Soudain, Olivia ne put plus supporter le suspense. Elle entra en bondissant, agita la pelle au-dessus de sa tête et cria :
– Dehors !
Alors, elle hurla de peur quand elle se retrouva face à une silhouette qui, vêtue de noir, portait un chapeau pointu violet et tenait elle-même une pelle.
– Argh !
La silhouette cria de terreur, terrifiée, puis laissa tomber l’outil et agita les bras quand Olivia bondit en arrière. La pelle était glissante dans ses mains froides et humides et son cœur battait la chamade.
Cependant, quand ses yeux s’ajustèrent à l’obscurité, elle se rendit compte que ce n’était pas un intrus.
C’était son ami Danilo, qui habitait dans une ferme de l’autre côté du village.
Danilo contempla Olivia d’un air consterné.
– Olivia. Que fais-tu ? Il est assez tard et je venais te trouver.
Olivia baissa la pelle, embarrassée d’avoir soupçonné le pire.
Читать дальше