– Absolument, acquiesça Olivia.
Elle n’avait pas prévu que Danilo s’avérerait être un compagnon de voyage de sensibilité aussi similaire à la sienne. Comme Olivia ne mangeait pas beaucoup le matin, quand Danilo avait garé la voiture à Florence, elle avait eu très faim.
Il l’emmena dans un restaurant minuscule, guère plus grand qu’une cabine d’essayage, avec quatre tabourets tout contre le comptoir.
– Salve, salve , dit-il pour saluer le propriétaire. Que veux-tu manger ? demanda-t-il à Olivia.
Olivia parcourut le menu, contente que son italien s’améliore. D’un coup d’œil, elle reconnut les mots pour artichauts, poulet, poivrons grillés et tomates séchées au soleil.
– Est-ce que tu te sens courageuse, aujourd’hui ? demanda Danilo avec un sourire de travers. Je vois qu’il y a des panini di lampredotto au menu. C’est un des plats les plus traditionnels de Florence, mais il faut que je t’avertisse : il est à base de panse de vache.
– De panse de – quoi ? demanda Olivia, alarmée.
– Le goût est délicieux. Tu peux me faire confiance. La viande est caoutchouteuse, mais elle a très bon goût.
– D’accord, convint Olivia sans grande conviction.
Elle commençait à se demander si elle avait bien choisi. Que ferait-elle si c’était immangeable ? Est-ce que Danilo serait offensé ?
Quand la nourriture fut servie, elle dut admettre que la viande, qui était dans un pain croustillant, n’avait pas l’air appétissante. Les morceaux triangulaires de viande pâle ne l’attiraient pas.
– Euh, dit-elle en se demandant comment refuser sans l’offenser.
– C’est un bon petit plat toscan, expliqua Danilo en adressant à Olivia un sourire encourageant. Dans notre histoire, il y avait beaucoup de pauvres en ville, donc, on utilisait toutes les parties de l’animal. Certains plats sont devenus des spécialités gastronomiques traditionnelles et ont survécu au temps. Sens ça. Vas-y.
Olivia renifla nerveusement et, à sa grande surprise, constata que l’arôme que dégageait ce panini à l’apparence étrange était appétissant.
Inspirant profondément, Olivia mordit courageusement dans le pain en espérant qu’elle ne projetterait pas de vomi sur tout le sol quand elle goûterait la viande. Cela serait une manière fâcheuse de commencer leur journée de visite.
Elle constata avec soulagement et surprise que la viande était caoutchouteuse mais délicieuse. Les goûts lui explosaient sur la langue, riches, consistants et différents de tout ce qu’elle avait mangé avant ce jour.
Elle imagina être une paysanne locale plusieurs siècles auparavant. Elle rentrait à la maison après une longue journée de travail et sentait cette viande qui cuisait lentement dans un pot. Elle comprit alors que ce plat avait dû être apprécié pour son goût et aussi parce qu’il était très nourrissant.
De toute façon, elle était contente de l’avoir essayé et n’eut aucune difficulté à le finir jusqu’à la dernière bouchée. Elle voyait que Danilo était ravi de sa témérité.
– Maintenant, suis-moi. Au bout de cette rue, il y a la Galleria dell’Accademia.
Descendant de sa chaise, Olivia quitta le minuscule restaurant et accompagna Danilo. Elle vit une petite file d’attente de gens qui attendaient une porte plus loin, mais elle ne savait pas ce qu’il y avait à l’intérieur. La rue était étroite, chose à laquelle Olivia s’habituait déjà dans cette ville, et un drapeau flottait devant la porte.
– C’est l’endroit où beaucoup des sculptures les plus célèbres de Florence sont conservées, dont le David de Michel-Ange, dit Danilo.
Olivia eut le souffle coupé. Jamais elle n’aurait cru qu’elle verrait cette statue en vrai. Elle avait oublié qu’elle était à Florence.
– Permets que j’achète les tickets, proposa-t-elle, car elle voulait vraiment contribuer à leur journée touristique.
Quand ils entrèrent, elle eut à nouveau le souffle coupé.
Devant elle, il y avait une statue. Elle reconnut L’Enlèvement des Sabines .
– C’est la Salle du Colosse, lui dit Danilo. Cette statue est le modèle en plâtre de la statue originale en marbre sculptée par Giambologna. Comme tu le saurais par cœur toi aussi si ta tante te l’avait dit vingt fois jusqu’à te donner envie de t’enfuir définitivement, c’était un exercice de sculpture. Le défi était de former un groupe de trois figures proches les unes des autres dans un seul grand bloc de marbre. C’était la première fois qu’on le faisait et cela a demandé des compétences énormes.
Hypnotisée par la poésie de leur mouvement, Olivia aurait pu admirer ces figures entremêlées pendant des heures, mais il y avait beaucoup d’autres choses à voir dans la salle. Des peintures de la Renaissance et des retables couvraient les murs et elle passa de l’un à l’autre, fascinée par les histoires que racontaient ces œuvres d’art et l’ouverture sur les siècles passés à laquelle leurs cadres extravagants donnaient accès.
– Le Cassone Adimari est une autre œuvre à voir absolument dans cette salle, dit Danilo en désignant une œuvre d’art richement illustrée. C’est une scène de mariage située dans le centre-ville de Florence, comme tu le vois grâce au Baptistère Saint-Jean que l’on voit à l’arrière-plan. C’est parce qu’il représente la vie de la Renaissance avec une telle abondance de détails que ce tableau est aussi célèbre.
– Les tenues sont étonnantes. Les broderies. Les chapeaux ! s’exclama Olivia en regardant de près les tenues raffinées des nobles représentés dans cette scène.
– Avant que nous n’arrivions à la Tribune, où l’on peut voir le David de Michel-Ange , nous allons traverser la Galerie des Captifs. Voici les célèbres Esclaves que Michel-Ange a sculptés, dit Danilo.
Avançant dans la longue salle avec enthousiasme, Olivia contempla avec fascination les sculptures inachevées. Elle devina que c’était pour cette raison que l’on avait appelé cette salle ainsi, car les figures avaient bien l’air prisonnières de leurs socles de marbre. Quand Olivia admira la sculpture, elle fut stupéfaite par le sens des proportions parfait de l’artiste et par la beauté qu’il transmettait à son œuvre, alors qu’elle était inachevée.
Bien sûr, le plus beau moment de la visite fut la célèbre statue du David . Olivia apprit que, à l’origine, cette sculpture avait été disposée à l’extérieur, mais qu’on l’avait amenée à l’intérieur en 1873 pour la protéger contre les dégâts et les intempéries. Même si Olivia l’avait vue de nombreuses fois sur des photos, elle pouvait maintenant admirer en réalité cette statue immaculée de cinq mètres, elle pouvait la contourner et la contempler sous tous les angles et cela comblait entièrement la liste de ce qu’Olivia avait voulu voir à Florence.
Elle aurait pu passer une journée entière à explorer ces lieux fascinants, mais Danilo l’avertit que, si elle voulait se rendre à une autre de ses destinations à ne pas rater, il était temps de quitter la Galleria dell’Accademia.
– Il faut que nous nous arrêtions à un autre endroit avant d’atteindre le Ponte Vecchio, car je crois qu’il y a un autre musée qui te plaira, dit Danilo.
Quand ils sortirent de la galerie, Olivia suivit Danilo avec enthousiasme. Danilo avait raison : cette ville était faite pour les piétons. D’ailleurs, les pieds s’avérèrent être le thème de leur prochaine destination.
Elle éclata de rire, stupéfaite, quand elle atteignit l’entrée du Museo Salvatore Ferragamo, dédié à l’histoire des chaussures et de la mode.
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