Маргерит Юрсенар - Les mémoires d'Hadrien

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*

Hier, à la Villa, pensé aux milliers de vies silencieuses, furtives comme celles des bêtes, irréfléchies comme celles des plantes, bohémiens du temps de Piranèse, pilleurs de ruines, mendiants, chevriers, paysans logés tant bien que mal dans un coin de décombres, qui se sont succédé ici entre Hadrien et nous. Au bord d’une olivaie, dans un corridor antique à demi déblayé, G… et moi nous sommes trouvées en face du lit de roseaux d’un berger, de son portemanteau de fortune fiché entre deux blocs de ciment romain, des cendres de son feu à peine froid. Sensation d’humble intimité à peu près pareille à celle qu’on éprouve au Louvre, après la fermeture, à l’heure où les lits de sangle des gardiens surgissent au milieu des statues.

*

[Rien à modifier en 1958 aux lignes qui précèdent ; le portemanteau du berger, sinon son lit, est encore là. G… et moi avons de nouveau fait halte sur l’herbe de Tempé, parmi les violettes, à ce moment sacré de l’année où tout recommence en dépit des menaces que l’homme de nos jours fait partout peser sur le monde et lui-même. Mais la Villa a pourtant subi un insidieux changement. Point complet, certes : on n’altère pas si vite un ensemble que des siècles ont doucement détruit et formé. Mais par une erreur rare en Italie, des « embellissements » dangereux sont venus s’ajouter aux réfections et aux consolidations nécessaires. Des oliviers ont été coupés pour faire place à un indiscret parc à automobiles et à un kiosque-buvette genre champ d’exposition, qui transforment la noble solitude du Pœcile en un paysage de square ; une fontaine en ciment abreuve les passants à travers un inutile mascaron de plâtre qui joue à l’antique ; un autre mascaron, plus inutile encore, ornemente la paroi de la grande piscine agrémentée aujourd’hui d’une flottille de canards. On a copié, en plâtre aussi, d’assez banales statues de jardin gréco-romaines glanées ici dans des fouilles récentes, et qui ne méritaient ni cet excès d’honneur ni cette indignité ; ces répliques en cette vilaine matière boursouflée et molle, placées un peu au hasard sur des piédestaux, donnent au mélancolique Canope l’aspect d’un coin de studio pour reconstitution filmée de la vie des Césars. Rien de plus fragile que l’équilibre des beaux lieux. Nos fantaisies d’interprétation laissent intacts les textes eux-mêmes, qui survivent à nos commentaires ; mais la moindre restauration imprudente infligée aux pierres, la moindre route macadamisée entamant un champ où l’herbe croissait en paix depuis des siècles, créent à jamais l’irréparable. La beauté s’éloigne ; l’authenticité aussi.]

*

Lieux où l’on a choisi de vivre, résidences invisibles qu’on s’est construites à l’écart du temps. J’ai habité Tibur, j’y mourrai peut-être, comme Hadrien dans l’Ile d’Achille.

*

Non. Une fois de plus, j’ai revisité la Villa, et ses pavillons faits pour l’intimité et le repos, et ses vestiges d’un luxe sans faste, aussi peu impérial que possible, de riche amateur qui s’efforce d’unir les délices de l’art aux douceurs champêtres ; j’ai cherché au Panthéon la place exacte où se posa une tache de soleil un matin du 21 avril ; j’ai refait, le long des corridors du Mausolée, la route funèbre si souvent suivie par Chabrias, Céler et Diotime, amis des derniers jours. Mais j’ai cessé de sentir de ces êtres, l’immédiate présence, de ces faits, l’actualité : ils restent proches de moi, mais révolus, ni plus ni moins que les souvenirs de ma propre vie. Notre commerce avec autrui n’a qu’un temps ; il cesse une fois la satisfaction obtenue, la leçon sue, le service rendu, l’œuvre accomplie. Ce que j’étais capable de dire a été dit ; ce que je pouvais apprendre a été appris. Occupons-nous pour un temps d’autres travaux.

NOTE

Une reconstitution du genre de celle qu’on vient de lire, c’est-à-dire faite à la première personne et mise dans la bouche de l’homme qu’il s’agissait de dépeindre, touche par certains côtés au roman et par d’autres à la poésie ; elle pourrait donc se passer de pièces justificatives ; sa valeur humaine est néanmoins singulièrement augmentée par la fidélité aux faits. Le lecteur trouvera plus loin une liste des principaux textes sur lesquels on s’est appuyé pour établir ce livre. En étayant ainsi un ouvrage d’ordre littéraire, on ne fait du reste que se conformer à l’usage de Racine, qui, dans les préfaces de ses tragédies, énumère soigneusement ses sources. Mais tout d’abord, et pour répondre aux questions les plus pressantes, suivons aussi l’exemple de Racine en indiquant certains des points, assez peu nombreux, sur lesquels on a ajouté à l’histoire, ou modifié prudemment celle-ci. Le personnage de Marullinus est historique, mais sa caractéristique principale, le don divinatoire, est empruntée à un oncle et non à un grand-père d’Hadrien ; les circonstances de sa mort sont imaginaires. Une inscription nous apprend que le sophiste Isée fut l’un des maîtres du jeune Hadrien, mais il n’est pas sûr que l’étudiant ait fait, comme on le dit ici, le voyage d’Athènes. Gallus est réel, mais le détail concernant la déconfiture finale de ce personnage n’est là que pour souligner l’un des traits le plus souvent mentionnés du caractère d’Hadrien : la rancune. L’épisode de l’initiation mithriaque est inventé ; ce culte était déjà, à cette époque, en vogue aux armées ; il est possible, mais nullement prouvé, qu’Hadrien, jeune officier, ait eu la fantaisie de s’y faire initier. Il en va naturellement de même du taurobole auquel Antinoüs se soumet à Palmyre : Mélès Agrippa, Castoras, et, dans l’épisode précédent, Turbo, sont bien entendu des personnages réels ; leur participation aux rites d’initiation est inventée de toutes pièces. On a suivi dans ces deux scènes la tradition qui veut que le bain de sang ait fait partie du rituel de Mithra aussi bien que de celui de la déesse syrienne, auquel certains érudits préfèrent le réserver, ces emprunts d’un culte à l’autre restant psychologiquement possibles à cette époque où les religions de salut « contaminaient » dans l’atmosphère de curiosité, de scepticisme et de vague ferveur qui fut celle du 11E siècle. La rencontre avec le Gymnosophiste n’est pas, en ce qui concerne Hadrien, donnée par l’histoire ; on s’est servi de textes du Ier et du IIe siècle qui décrivent des épisodes du même genre. Tous les détails concernant Attianus sont exacts, sauf une ou deux allusions à sa vie privée, dont nous ne savons rien. Le chapitre sur les maîtresses est tiré tout entier de deux lignes de Spartien (XI, 7) sur ce sujet ; on s’y est efforcé, tout en inventant là où il le fallait, de rester dans les généralités les plus plausibles. Pompéius Proculus fut gouverneur de Bithynie ; il n’est pas sûr qu’il le fut en 123-124, lors du passage de l’empereur. Straton de Sardes, poète érotique dont l’œuvre nous est connue par l’Anthologie Palatine, vivait probablement au temps d’Hadrien ; rien ne prouve, ni n’empêche, que l’empereur l’ait rencontré au cours d’un de ses voyages en Asie Mineure. La visite de Lucius à Alexandrie en 130 est déduite (comme le fit déjà Grégorovius) d’un texte souvent contesté, la Lettre d’Hadrien à Servianus, où le passage qui concerne Lucius n’oblige nullement à une telle interprétation. La donnée de sa présence en Égypte est donc plus qu’incertaine ; les détails concernant Lucius durant cette période sont au contraire tirés presque tous de sa biographie par Spartien, la Vie d’Ælius César. L’histoire du sacrifice d’Antinoüs est traditionnelle (Dion, LXIX, 11 ; Spartien, XIV, 7) ; le détail des opérations de sorcellerie est inspiré des recettes des papyrus magiques de l’Égypte, mais les incidents de la soirée à Canope sont inventés. L’épisode de l’enfant tombé d’un balcon au cours d’une fête, placé ici pendant l’escale d’Hadrien à Philæ, est tiré d’un rapport des Papyrus d’Oxyrhynchus et s’est passé en réalité près de quarante ans après le voyage d’Hadrien en Égypte. Le rattachement de l’exécution d’Apollodore au complot de Servianus n’est qu’une hypothèse, peut-être défendable. Chabrias, Céler, Diotime, sont plusieurs fois mentionnés par Marc Aurèle, qui pourtant n’indique d’eux que leurs noms et leur fidélité passionnée à la mémoire d’Hadrien. On s’est servi d’eux pour évoquer la cour de Tibur dans les dernières années du règne : Chabrias représente le cercle de philosophes platoniciens ou stoïques qui entouraient l’empereur ; Céler (qu’il ne faut pas confondre avec le Céler, mentionné par Philostrate et Aristide, qui fut secrétaire ab epistulis Græcis) l’élément militaire ; et Diotime le groupe des éromènes impériaux. Ces trois noms historiques ont donc servi de point de départ à l’invention partielle de trois personnages. Le médecin Iollas, au contraire, est un personnage réel dont l’histoire ne nous donnait pas le nom ; elle ne nous dit pas non plus qu’il tût originaire d’Alexandrie. L’affranchi Onésime a existé, mais nous ne savons pas s’il tint auprès d’Hadrien le rôle d’entremetteur ; Servianus eut bien un secrétaire nommé Crescens, mais l’histoire ne nous dit pas qu’il trahit son maître. Le marchand Opramoas est réel, mais rien ne prouve qu’il ait accompagné Hadrien sur l’Euphrate. La femme d’Arrien est un personnage historique, mais nous ne savons pas si elle était, comme le dit ici Hadrien, « fine et fière ». Quelques comparses seulement, l’esclave Euphorion, les acteurs Olympos et Bathylle, le médecin Léotychide, le jeune tribun britannique et le guide Assar, sont entièrement inventés. Les deux sorcières, celle de l’île de Bretagne et celle de Canope, personnages fictifs, résument le monde de diseurs de bonne aventure et de praticiens en sciences occultes dont s’entoura volontiers Hadrien. Le nom d’Arété provient d’un poème authentique d’Hadrien (Ins. Gr., XIV, 1089), mais c’est arbitrairement qu’il est donné ici à l’intendante de la Villa ; celui du courrier Ménécratès est tiré de la Lettre du roi Fermès à l’empereur Hadrien (Bibliothèque de l’École des Chartes, vol. 74, 1913), texte tout légendaire, dont l’histoire proprement dite ne pourrait se servir, mais qui, pourtant, a pu emprunter ce détail à d’autres documents aujourd’hui perdus. Les noms de Bénédicte et de Théodote, pâles fantômes amoureux qui traversent les Pensées de Marc Aurèle, ont été transposés pour des raisons stylistiques en Véronique et Théodore. Enfin, les noms grecs et latins gravés sur la base du Colosse de Memnon, à Thèbes, sont pour la plupart empruntés à Letronne, Recueil des Inscriptions grecques et latines de l’Égypte, 1848 ; celui, imaginaire, d’un certain Eumène, qui se serait tenu à cette place six siècles avant Hadrien, a pour raison d’être de mesurer pour nous, et pour Hadrien lui-même, le temps écoulé entre les premiers visiteurs grecs de l’Égypte, contemporains d’Hérodote, et ces promeneurs romains d’un matin du IIe siècle. La brève esquisse du milieu familial d’Antinoüs n’est pas historique, mais tient compte des conditions sociales qui prévalaient à cette époque en Bithynie. Sur certains points controversés, causes de la mise à la retraite de Suétone, origine libre ou servile d’Antinoüs, participation active d’Hadrien à la guerre de Palestine, date de l’apothéose de Sabine et de l’enterrement d’Ælius César au château Saint-Ange, il a fallu choisir entre les hypothèses des historiens ; on s’est efforcé de ne se décider que pour de bonnes raisons. Dans d’autres cas, adoption d’Hadrien par Trajan, mort d’Antinoüs, on a tâché de laisser planer sur le récit une incertitude qui, avant d’être celle de l’histoire, a sans doute été celle de la vie elle-même. Les deux sources principales pour l’étude de la vie et du personnage d’Hadrien sont l’historien grec Dion Cassius, qui écrivit les pages de son Histoire Romaine consacrées à l’empereur environ quarante ans après la mort de celui-ci, et le chroniqueur latin Spartien, un des rédacteurs de l’Histoire Auguste, qui composa un peu plus d’un siècle plus tard sa Vita Hadriani, l’un des meilleurs textes de cette collection, et sa Vita Ælii Cæsaris, œuvre plus mince, qui présente du fils adoptif d’Hadrien une image singulièrement plausible, superficielle seulement parce qu’en somme le personnage l’était. Ces deux auteurs s’appuyaient sur des documents désormais perdus, entre autres des Mémoires, publiés par Hadrien sous le nom de son affranchi Phlégon, et un recueil de lettres de l’empereur rassemblées par ce dernier. Ni Dion, ni Spartien ne sont de grands historiens, ou de grands biographes, mais précisément, leur absence d’art, et jusqu’à un certain point de système, les laisse singulièrement proches du fait vécu, et les recherches modernes ont le plus souvent, et de façon saisissante, confirmé leurs dires. C’est en grande partie sur cet amas de petits faits que se base l’interprétation qu’on vient de lire. Mentionnons aussi, sans d’ailleurs essayer d’être complets, quelques détails glanés dans d’autres Vies d’Histoire Auguste, comme celles d’Antonin et de Marc Aurèle, par Julius Capitolinus ; et quelques phrases tirées d’Aurélius Victor et de l’auteur de l’Épitome, qui ont déjà de la vie d’Hadrien une conception légendaire, mais que la splendeur du style met dans une classe à part. Les notices historiques du Dictionnaire de Suidas ont fourni deux faits peu connus : la Consolation adressée à Hadrien par Nouménios, et les musiques funèbres composées par Mésomédès à l’occasion de la mort d’Antinoüs. Il reste d’Hadrien lui-même un certain nombre d’œuvres authentiques dont on s’est servi : correspondance administrative, fragments de discours ou de rapports officiels, comme la célèbre Adresse de Lambèse, conservés le plus souvent par des inscriptions ; décisions légales transmises par des jurisconsultes ; poèmes mentionnés par les auteurs du temps, comme l’illustre Animula vagula blandula, ou retrouvés sur les monuments où ils figuraient à titre d’inscriptions votives, comme le poème à l’Amour et à l’Aphrodite Ouranienne gravé sur la paroi du temple de Thespies (Kaibel, Epigr. Gr. 811). Les trois lettres d’Hadrien concernant sa vie personnelle (Lettre à Matidie, lettre à Servianus, lettre adressée par l’empereur mourant à Antonin, qu’on trouvera respectivement dans le recueil de lettres compilé par le grammairien Dosithée, dans la Vita Saturnini de Vopiscus, et dans Grenfell and Hunt, Fayum Towns and their Papyri, 1900) sont d’authenticité discutable ; toutes trois, néanmoins, portent à un degré extrême la marque de l’homme à qui on les prête ; et certaines des indications fournies par elles ont été utilisées dans ce livre. Les innombrables mentions d’Hadrien ou de son entourage, éparses chez presque tous les écrivains du IIe et du e III siècle, aident à compléter les indications des chroniques et en remplissent souvent les lacunes. C’est ainsi, pour ne citer que quelques exemples tirés de Mémoires d’Hadrien, que l’épisode des chasses en Libye sort tout entier d’un fragment très mutilé du poème de Pancratès, Les Chasses d’Hadrien et d’Antinoüs, retrouvé en Égypte, et publié en 1911 dans la collection des Papyrus d’Oxyrhynchus (III, n° 1085) ; qu’Athénée, Aulu-Gelle et Philostrate ont fourni de nombreux détails sur les sophistes et les poètes de la cour impériale ; ou que Pline le Jeune et Martial ajoutent quelques traits à l’image un peu effacée d’un Voconius ou d’un Licinius Sura. La description de la douleur d’Hadrien à la mort d’Antinoüs s’inspire des historiens du règne, mais aussi de certains passages des Pères de l’Église, réprobateurs à coup sûr, mais parfois sur ce point plus humains, et surtout d’opinions plus variées qu’on n’aurait cru. Des portions de la Lettre d’Arrien à l’empereur Hadrien à l’occasion du Périple de la Mer Noire, qui contiennent des allusions au même sujet, ont été incorporées au présent ouvrage, l’auteur se rangeant à l’avis des érudits qui croient, dans son ensemble, ce texte authentique. Le Panégyrique de Rome, du sophiste Ælius Aristide, œuvre de type nettement hadrianique, a fourni quelques lignes à l’esquisse de l’État idéal tracée ici par l’empereur. Quelques détails historiques mêlés dans le Talmud à un immense matériel légendaire viennent s’ajouter pour la guerre de Palestine au récit de l’Histoire ecclésiastique d’Eusèbe. La mention de l’exil de Favorinus provient d’un fragment de ce dernier dans un manuscrit de la Bibliothèque du Vatican publié en 1931 (M. Norsa et G. Vitelli, Il papiro vaticano greco, II, dans Studi e Testi, LIII) ; l’atroce épisode du secrétaire éborgné est tiré d’un traité de Galien, qui fut médecin de Marc Aurèle ; l’image d’Hadrien mourant s’inspire du tragique portrait fait par Fronton de l’empereur vieilli. D’autres fois, c’est aux monuments figurés et aux inscriptions qu’on s’est adressé pour le détail de faits non enregistrés par les historiens antiques. Certains aperçus sur la sauvagerie des guerres daces et sarmates, prisonniers brûlés vifs, conseillers du roi Décébale s’empoisonnant le jour de la capitulation, proviennent des bas-reliefs de la Colonne Trajane (W. Frœhner, La Colonne Trajane, 1865 ; I. A. Richmond, Trajan’s Army on Trajan’s Column, dans Papers of the British School at Rome, XIII, 1935) ; une grande partie de l’imagerie des voyages est empruntée aux monnaies du règne. Les poèmes de Julia Balbilla gravés sur la jambe du Colosse de Memnon servent de point de départ au récit de la visite à Thèbes (R. Cagnat, Inscrip. Gr. ad res romanas pertinentes, 1186-7) ; la précision au sujet du jour de naissance d’Antinoüs est due à l’inscription du Collège d’artisans et d’esclaves de Lanuvium, qui en 133 prit Antinoüs pour patron protecteur (Corp. Ins. Lat. XIV, 2112), précision contestée par Mommsen, mais acceptée depuis par des érudits moins hypercritiques ; les quelques phrases données comme inscrites sur la tombe du favori sont prises au grand texte hiéroglyphique de l’Obélisque du Pincio, qui relate ses funérailles et décrit les cérémonies de son culte (A. Erman, Obelisken Römischer Zeit, dans Röm, Mitt., XI, 1896 ; O. Marucchi, Gli obelischi egiziani di Roma, 1898). Pour l’histoire des honneurs divins rendus à Antinoüs, pour la caractérisation physique et psychologique de celui-ci, le témoignage des inscriptions, des monuments figurés, et des monnaies, dépasse de beaucoup celui de l’histoire écrite. Il n’existe pas à cette date de bonne biographie moderne d’Hadrien à laquelle on puisse renvoyer le lecteur ; le seul ouvrage de ce genre qui mérite une mention, le plus ancien aussi, celui de Grégorovius, publié en 1851 (éd. revisée, 1884), point dépourvu de vie et de couleur, mais faible en tout ce qui concerne en Hadrien l’administrateur et le prince, est en grande partie suranné. De même, les brillantes esquisses d’un Gibbon ou d’un Renan ont vieilli. L’œuvre de B. W. Henderson, The Life and Principate of the Emperor Hadrian, publiée en 1923, superficielle en dépit de sa longueur, n’offre qu’une image incomplète de la pensée d’Hadrien et des problèmes de son temps, et n’utilise que très insuffisamment les sources. Mais si une biographie définitive d’Hadrien reste à faire, les résumés intelligents et les solides études de détail abondent, et sur bien des points l’érudition moderne a renouvelé l’histoire du règne et de l’administration d’Hadrien. Pour ne citer que quelques ouvrages récents, ou quasi tels, et plus ou moins facilement accessibles, mentionnons en langue française les chapitres consacrés à Hadrien dans Le Haut-Empire Romain, de Léon Homo, 1933, et dans L’Empire Romain d’E. Albertini, 1936 ; l’analyse des campagnes parthes de Trajan et de la politique pacifique d’Hadrien dans le premier volume de l’Histoire de l’Asie de René Grousset, 1921 ; l’étude sur l’œuvre littéraire d’Hadrien dans Les Empereurs et les Lettres latines de Henri Bardon, 1944 ; les ouvrages de Paul Graindor, Athènes sous Hadrien, Le Caire, 1934 ; de Louis Perret, La Titulature impériale d’Hadrien, 1929, et de Bernard d’Orgeval, L’Empereur Hadrien, son œuvre législative et administrative, 1950, ce dernier parfois confus dans le détail. Les travaux les plus approfondis sur le règne et la personnalité d’Hadrien demeurent toutefois ceux de l’école allemande, J. Dürr, Die Reisen des Kaisers Hadrian, Vienne, 1881 ; J. Plew, Quellenuntersuchungen zur Geschichte des Kaisers Hadrian, Strasbourg, 1890 ; E. Kornemann, Kaiser Hadrian und der Letzte grosse Historiker von Rom, Leipzig, 1905, et surtout le court et admirable ouvrage de Wilhelm Weber, Untersuchungen zur Geschichte des Kaisers Hadrianus, Leipzig, 1907, et le substantiel essai, plus aisément procurable, publié par lui en 1936 dans le recueil Cambridge Ancient History, vol. XI, The Imperial Peace, pp. 294-324. En langue anglaise, l’œuvre d’Arnold Toynbee contient çà et là des allusions au règne d’Hadrien ; elles ont servi de germes à certains passages de Mémoires d’Hadrien dans lesquels l’empereur définit lui-même ses vues politiques ; voir en particulier son Roman Empire and Modem Europe, dans la Dublin Review, 1945. Voir aussi l’important chapitre consacré aux réformes sociales et financières d’Hadrien dans M. Rostovtzeff, Social and Economic History of the Roman Empire, 1926 ; et, pour le détail des faits, les études de R. H. Lacey, The Equestrian Officials of Trajan and Hadrian : Their Career, with Some Notes on Hadrian’s Reforms, 1917 ; de Paul Alexander, Letters and Speeches of the Emperor Hadrian, 1938 ; de W. D. Gray, A Study of the Life of Hadrian Prior to his Accession, Northampton, Mass., 1919 ; de F. Pringsheim, The Legal Policy and Reforms of Hadrian, dans le Journ. of Roman Studies, XXIV, 1934. Pour le séjour d’Hadrien dans les Iles Britanniques et l’érection du Mur sur la frontière d’Écosse, consulter l’ouvrage classique de J. C. Bruce, The Handbook to the Roman Wall, édition révisée par R. G. Collingwood en 1933, et, de ce même Collingwood en collaboration avec J. N. L. Myres, Roman Britain and the English Settlements, 2e éd., 1937. Pour la numismatique du règne (les monnaies d’Antinoüs, mentionnées plus bas, mises à part), voir les travaux relativement récents de H. Mattingly et E. A. Sydenham, The Roman Imperial Coinage, II, 1926 ; et de P. L. Strack, Untersuchungen zur Römische Reichsprägung des zweiten Jahrhunderts, II, 1933. Sur la personnalité de Trajan et ses guerres, voir R. Paribeni, Optimus Princeps, 1927 ; R. P. Longden, Nerva and Trajan, et The Wars of Trajan, dans le Cambridge Ancient History, XI, 1936 ; M. Durry, Le Règne de Trajan d’après les Monnaies, Rev. His., LVII, 1932, et W. Weber, Traian und Hadrian, dans Meister der Politik, I2, Stuttgart, 1923. Sur Ælius César, A. S. L. Farquharson, On the names of Ælius Cæsar, Classical Quarterly, II, 1908, et J. Carcopino, L’Hérédité dynastique chez les Antonins, 1950, dont les hypothèses ont été écartées au profit d’une interprétation plus littérale des textes. Sur l’affaire des quatre consulaires, voir A. von Premerstein, Das Attentat der Konsulare auf Hadrian in Jahre 118, dans Klio, 1908 ; J. Carcopino, Lusius Quiétus, l’homme de Qwrnyn, dans Istros, 1934. Sur l’entourage grec d’Hadrien, A. von Premerstein, C. Julius Quadratus Bassus, dans les Sitz. Bayr. Akad. d. Wiss., 1934 ; P. Graindor, Un Milliardaire Antique, Hérode Atticus et sa famille, Le Caire, 1930 ; A. Boulanger, Ælius Aristide et la Sophistique dans la Province d’Asie au IIe siècle de notre ère, dans les publications de la Bibliothèque des Écoles Françaises d’Athènes et de Rome, 1923 ; K. Horna, Die Hymnen des Mesomedes, Leipzig, 1928 ; G. Martellotti, Mesomede, publications de la Scuola di Filologia Classica, Rome, 1929 ; H.-C. Puech, Numénius d’Apamée, dans les Mélanges Bidez, Bruxelles, 1934. Sur la guerre juive, W. D. Gray, The Founding of Ælia Capitolina and the Chronology of the Jewish War under Hadrian, American Journal of Semitic Language and Literature, 1923 ; A. L. Sachar, A History of the Jews, 1950 ; et S. Lieberman, Greek in Jewish Palestine, 1942. Les découvertes archéologiques faites en Israël durant ces dernières années et concernant la révolte de Bar Kochba ont enrichi sur certains points de détail notre connaissance de la guerre de Palestine ; la plupart d’entre elles, survenues après 1951, n’ont pu être utilisées au cours du présent ouvrage. L’iconographie d’Antinoüs, et, de façon plus incidentelle, l’histoire du personnage, n’ont pas cessé d’intéresser les archéologues et les esthéticiens, surtout en pays de langue germanique, depuis qu’en 1764 Winckelmann donna à la portraiture d’Antinoüs, ou du moins à ses principaux portraits connus à l’époque, une place importante dans son Histoire de l’Art Antique. La plupart de ces travaux datant de la fin du XVIIIe siècle et même du xIxe siècle n’ont plus guère aujourd’hui en ce qui nous concerne qu’un intérêt de curiosité : l’ouvrage de L. Dietrichson, Antinoüs, Christiania, 1884, d’un idéalisme assez confus, demeure néanmoins digne d’attention par le soin avec lequel l’auteur a rassemblé la presque totalité des allusions antiques au favori d’Hadrien ; le côté iconographique représente cependant aujourd’hui un point de vue et des méthodes dépassées. Le petit livre de F. Laban, Der Gemütsausdruck des Antinoüs, Berlin, 1891, fait le tour des théories esthétiques en vogue en Allemagne à l’époque, mais n’enrichit en rien l’iconographie proprement dite du jeune Bithynien. Le long essai consacré à Antinoüs par J. A. Symonds dans ses Sketches in Italy and Greece, Londres, 1900, bien que de ton et d’information parfois surannés, reste d’un grand intérêt, ainsi qu’une note du même auteur sur le même sujet, dans son remarquable et rarissime essai sur l’inversion antique, A Problem in Greek Ethics (dix ex. hors commerce, 1883, réimprimés à 100 ex. en 1901). L’ouvrage de E. Holm, Das Bildnis des Antinoüs, Leipzig, 1933, recension de type plus académique, n’apporte guère sur le sujet de vues ni d’informations nouvelles. Pour les monuments figurés d’Antinoüs, à l’exception de la numismatique, le meilleur texte relativement récent est l’étude publiée par Pirro Marconi, Antinoo. Saggio sull’ Arte dell’ Eta’ Adrianea, dans le volume XXIX des Monumenti Antichi, R. Accademia dei Lincei, Rome, 1923, étude d’ailleurs assez peu accessible au grand public, du fait que les nombreux tomes de cette collection ne sont représentés au complet que dans fort peu de grandes bibliothèques.

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