Mais elle n'allait pas céder à cette tentation. Et de toute façon, la porte serait fermée à clef.
Mais quand bien même...
Comment puis-je penser cela ?
Elle resta là, essayant de comprendre ce besoin mystérieux. Elle commençait à réaliser que cela avait un rapport avec le tueur lui-même.
Elle ne pouvait s'empêcher de penser...
Si j'ouvre cette porte, je serai capable de voir à travers son esprit.
Cela n'avait aucun sens, bien entendu.
Et c'était une idée vraiment terrifiante que de regarder à travers un esprit diabolique.
Pourquoi ? continuait-elle à se demander.
Pourquoi voulait-elle comprendre le tueur ?
Pourquoi diable ressentait-elle une curiosité aussi peu naturelle ?
Pour la première fois depuis que cette chose horrible s'était produite, Riley se sentit soudainement réellement effrayée...
… pas pour elle-même, mais d'elle-même.
Le lundi matin suivant, Riley se sentait profondément inquiète tout en dormant sur son siège pendant ses cours de psychologie avancée.
Après tout, c'était le premier cours auquel elle assistait depuis le meurtre de Rhea quatre jours plus tôt.
C'était aussi le cours pour lequel elle essayait de réviser avant qu'elle et ses amies ne partent pour le Centaur's Den.
Il y avait peu d'élèves présents aujourd'hui, beaucoup d'entre-eux ici à Lanton ne se sentaient pas encore prêts à reprendre le cours de leurs études. Trudy était là aussi, mais Riley savait que sa colocataire se sentait elle aussi mal à l'aise avec ce désir urgent de retour à la « normale ». Les autres étudiants étaient inhabituellement calmes tandis qu'ils prenaient place.
Lorsque Riley vit le professeur Brant Hayman rentrer dans la classe, celle-ci se sentit un peu plus à l'aise. Il était jeune et assez beau, vêtu d'une sorte de velours côtelé lui donnant un air académique. Elle se rappela Trudy disant à Rhea...
« Riley aime impressionner le Professeur Hayman. Elle en pince pour lui. »
Riley grimaça à ce souvenir.
Elle ne voulait absolument pas penser qu'elle en « pinçait » pour lui.
C'est simplement parce qu'elle avait étudié avec lui en premier lieu, lorsqu'elle était en première année. Il n'était alors pas encore professeur, seulement un assistant diplômé. Elle pensait déjà à l'époque qu'il était un merveilleux enseignant, pédagogue, enthousiaste, et parfois divertissant.
Aujourd'hui, le Dr. Hayman affichait une expression sérieuse tandis qu'il déposait son porte-document sur son bureau et regardait les étudiants. Riley comprit qu'il irait droit au but.
— Écoutez, dit-il, il y a un non-dit évident. Nous savons tous ce que c'est. Nous devons crever l'abcès. Nous devons en discuter librement.
Riley retint sa respiration. Elle était certaine que la suite n'allait pas lui plaire.
Puis Hayman dit...
— Y a-t-il quelqu'un ici qui connaissait Rhea Thorson ? Pas seulement comme une connaissance, pas seulement comme quelqu'un que vous croisiez de temps en temps dans le campus. Je veux dire vraiment bien. Comme une amie.
Riley leva prudemment la main, tout comme Trudy. Personne d'autre dans la classe n'en fit autant.
— Par quels genres de sentiments être vous passées toutes les deux, depuis qu'elle a été tuée ? demanda-t-il alors.
Riley grimaça un peu.
Après tout, c'était les mêmes questions qui avaient été posées à Cassie et Gina par ces journalistes vendredi. Riley avait réussi à les éviter, mais allait-elle devoir répondre à ces questions maintenant ?
Elle se rappela qu'il s'agissait d'un cours de psychologie. Ils étaient ici pour apprendre à gérer ce genre de questions.
Et pourtant, Riley se demanda...
Par où vais-je bien pouvoir commencer ?
Elle se sentit soulagée que Trudy parle la première.
— Coupable. J'aurais pu l'empêcher. J'étais avec elle au Centaur's Den avant que ça ne se passe. Je n'ai même pas remarqué quand elle est partie. Si seulement je l'avais raccompagnée...
La voix de Trudy se brisa. Riley rassembla son courage pour parler.
— Je ressens la même chose, dit-elle. Lorsque nous sommes arrivées au Den, je les ai laissées pour aller m'asseoir seule, et je n'ai prêté aucune attention à Rhea. Peut-être que si j'avais... Riley fit une pause.
— Donc je me sens coupable aussi, ajouta-t-elle. Et autre chose. Égoïste, je pense. Parce que je voulais être seule.
Le Dr. Hayman hocha la tête. Il leur fit un sourire sympathique.
— Alors aucune d'entre-vous n'a raccompagné Rhea chez elle, dit-il.
Après un instant, il ajouta...
— Un péché par omission.
La formule étonna un peu Riley.
Cela semblait étrangement inapproprié pour désigner ce que Riley et Trudy avaient échoué à faire. Cela semblait trop bénin, presque pas assez grave, à peine une question de vie ou de mort.
Mais bien évidemment c'était vrai, jusque là.
Hayman parcouru les autres élèves du regard.
— Et qu'en est-il des autres ? Avez-vous déjà fait – ou échoué à faire – le même genre de chose dans une situation similaire ? Avez-vous déjà, disons, laissé une amie marcher quelque part seule la nuit alors que vous auriez vraiment dû la raccompagner chez elle ? Ou peut-être juste négligé de faire quelque chose qui aurait pu être important pour la sécurité de quelqu'un ? Ne pas avoir pris les clefs de voiture de quelqu'un ayant déjà trop bu ? Ignoré une situation qui aurait pu donner lieu à des blessures ou même la mort ?
Un murmure confus circula entre les étudiants.
Riley réalisa que c'était vraiment une question difficile.
Après tout, si Rhea n'avait pas été tuée, ni Riley ni Trudy n'aurait accordé une pensée à leur « péché par omission ».
Elles l'auraient vite oublié.
C'était presque sans surprise que peu d'étudiants ne puissent se souvenir que de telles situations ne leur soient arrivées, d'une façon ou d'une autre. Et à vrai dire, Riley elle-même ne trouvait rien de comparable dont elle se rappelait avec certitude. Lui était-il déjà arrivé de se retrouver dans des situations dans lesquelles elle avait négligé de s'assurer de la sécurité de quelqu'un ?
Avait-elle pu se rendre responsable de la mort d'autres personnes, si ce n'est par pur hasard ?
Après un moment, plusieurs mains réticentes se levèrent.
— Et qu'en est-il des autres ? demanda ensuite Hayman. Combien d'entre-vous n'arrivent pas à se souvenir avec certitude ?
Quasiment la totalité du reste des élèves levèrent la main.
Il hocha la tête.
— D'accord, bien. La plupart d'entre-vous aurait très bien pu faire la même erreur à un moment ou à un autre. Alors, combien ici se sentent coupables de la façon dont ils ont agi, ou des choses qu'ils auraient sans doute dû faire mais qu'ils n'ont pas faites ?
S'ensuivirent encore plus de murmures confus, et même quelques cris de surprise.
— Quoi ? demanda Hayman. Personne ? Pourquoi pas ?
Une fille leva la main et commença à balbutier.
— Eh bien... c'était différent je suppose... parce que je suppose... personne n'a été tué, j'imagine.
Il y eut un murmure général d'approbation.
Riley remarqua qu'un autre homme était entré dans la salle de classe. Le Dr. Dexter Zimmerman, le président du département de psychologie. Il semblait qu'il s'était tenu de l'autre côté de la porte, écoutant la discussion.
Elle avait eu un cours avec lui l'avant-dernier semestre, Psychologie Sociale. C'était un homme âgé, ridé, gentil en apparence. Riley savait que le Dr. Hayman l'admirait en tant que mentor, l'idolâtrait presque en réalité. Tout comme bon nombre d'étudiants.
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