Une vague de tristesse l’envahit en pensant à Mélissa et à Michelle. Mélissa ne comprendrait pas mais Kate ne pouvait pas laisser passer cette opportunité.
« J’y serai, » dit-elle.
Kate réussit à faire sa valise et à sortir de Richmond en moins d’une heure et demie. Quand elle retrouva sa coéquipière, Kristen DeMarco, devant l’un des nombreux Starbucks de l’aéroport international de Dulles, il ne leur restait plus que dix minutes avant le décollage. La plupart des passagers avaient déjà embarqué.
Quand elle la vit, DeMarco se dirigea à vive allure en direction de Kate, avec un café en main. Elle lui sourit et secoua la tête. « Si tu déménageais à Washington, tu ne serais pas toujours obligée de te dépêcher et tu arriverais plus souvent à l’heure. »
« Ce n’est même pas envisageable, » dit Kate, quand elle la rejoignit. « Déjà que ce boulot à temps partiel me tient plus souvent éloignée de ma famille que je le voudrais. Si j’étais obligée de déménager à Washington, je refuserais. »
« Comment vont Mélissa et Michelle ? » demanda DeMarco.
« Elles vont bien. J’ai parlé à Mélissa pendant le trajet vers l’aéroport. Elle m’a dit qu’elle comprenait et qu’elle me souhaitait bonne chance. Et pour une fois, j’ai même eu l’impression qu’elle le pensait vraiment. »
« Tant mieux. Je te l’avais dit qu’elle finirait par comprendre. J’imagine que ça doit être cool d’avoir une mère aussi dure à cuire que toi. »
« Je suis loin d’être une dure à cuire, » dit Kate, au moment où elles arrivèrent à la porte d’embarquement. Mais elle repensa à son match de boxe contre Margo et elle se dit que c’était peut-être un surnom qui ne lui allait pas si mal que ça… en tout cas, en partie.
« La dernière chose qu’on m’a dite à ton sujet, » dit Kate, « c’est que tu enquêtais sur un triple meurtre dans le Maine. »
« Oui, effectivement. On a clôturé l’enquête il y a une semaine – on était six agents à travailler dessus. Quand Duran m’a appelée concernant cette nouvelle affaire, il m’a dit qu’il pensait faire appel à toi et il m’a demandé si j’étais d’accord. J’ai bien entendu sauté sur l’occasion. Je lui ai dit que j’aimerais travailler avec toi aussi souvent que possible à l’avenir. »
« Merci, » dit Kate. Mais elle n’en dit pas plus. Ça lui allait droit au cœur mais elle ne voulait pas avoir l’air trop sentimentale.
Elles embarquèrent dans l’avion et prirent place l’une à côté de l’autre. Quand elles furent installées, DeMarco sortit un épais dossier de son sac.
« C’est le dossier complet concernant l’affaire Nobilini, » dit-elle. « Vu que tu as travaillé dessus, j’imagine que tu en connais tous les détails, non ? »
« Probablement, » dit Kate.
« C’est un vol assez court, » dit DeMarco. « Je préférerais que tu me racontes ce que tu sais, plutôt que de le lire dans un dossier. »
Kate aurait eu la même réaction. Mais elle avait aussi très envie de parler des détails de cette affaire avec DeMarco. Elle n’était jamais vraiment parvenue à oublier cette enquête au fil des ans, même si elle avait fait de son mieux pour ne pas se focaliser sur le seul véritable échec de sa carrière.
Alors que l’avion se dirigeait vers la piste de décollage, Kate commença à résumer les détails de cette affaire. Elle dut s’interrompre lors des communications du personnel de bord mais au fur et à mesure qu’elle parlait, elle eut l’impression que cette affaire était de nouveau d’actualité. C’était peut-être parce que ça faisait longtemps qu’elle ne s’y était plus intéressée, ou peut-être que c’était le fait d’avoir en partie pris sa retraite, mais l’enquête lui semblait à nouveau ouverte.
Elle expliqua à DeMarco les détails de cette enquête dans un quartier de banlieue chic, près de New York. Il n’y avait eu qu’un seul mort, mais un membre du Congrès avait demandé une enquête du FBI, en raison de ses liens étroits avec la victime. Aucune empreinte, aucun indice. La victime, Frank Nobilini, avait été retrouvée dans une ruelle dans le quartier de Midtown. Apparemment, il se rendait au travail. Le meurtre avait eu lieu entre son parking et son bureau. Une seule balle tirée dans la nuque. Dans le genre exécution.
« Mais quelqu’un l’a visiblement forcé à se rendre dans cette ruelle ? » demanda DeMarco.
« Ça reste encore une énigme. Nous pensons que Nobilini a été un peu malmené, qu’on l’a forcé à se mettre à genoux avant de lui tirer une balle dans la nuque. Il y avait du sang et des bouts de cervelle sur le mur du bâtiment à côté de lui. Il tenait encore les clés de sa BMW en main. »
DeMarco hocha la tête et laissa Kate continuer son récit.
« La victime était originaire d’une petite ville chic de banlieue, du nom de Ashton, » dit Kate. « C’est le genre de ville qui attire les visiteurs pour ses magasins d’antiquités hors de prix, ses restaurants excessivement chers et ses maisons impeccables. »
« Et c’est ce que je ne comprends pas, » dit DeMarco. « Dans ce genre d’endroit, les gens ont tendance à jaser, non ? Il serait normal que quelqu’un sache quelque chose ou ait une idée de qui aurait pu faire ça. Mais il n’y a rien dans le dossier. » Elle prononça cette dernière phrase en tapotant le dossier des doigts.
« Ça m’a toujours décontenancée, » dit Kate. « Ashton est un endroit huppé. Mais c’est également une communauté soudée. Tout le monde se connaît et se montre aimable avec ses voisins. Il y a beaucoup d’entraide entre eux, ils participent tous aux fêtes d’école, ce genre de choses. C’est vraiment l’image de la banlieue parfaite. »
« Aucun mobile pour un tueur, alors ? » demanda DeMarco.
« Aucun dont j’ai pu avoir connaissance. Il y a environ trois mille habitants à Ashton. Et bien que l’endroit attire pas mal de monde de New York et de la région, son taux de criminalité est vraiment bas. C’est la raison pour laquelle l’affaire Nobilini a fait beaucoup parler d’elle il y a huit ans, même si le meurtre n’a pas eu lieu à Ashton. »
« Et il n’y a jamais eu d’autres meurtres dans le genre ? »
« Non, pas jusqu’à maintenant. Je pense que l’assassin a dû remarquer la présence du FBI et que ça l’a effrayé. Dans une ville de cette taille, il est très facile de remarquer des agents du FBI. » Kate s’interrompit et prit le dossier des mains de DeMarco. « Qu’est-ce que Duran t’a raconté ? »
« Pas grand-chose. Il a dit que c’était urgent et il m’a demandé de lire le dossier. »
« Est-ce que tu as vu le genre d’arme qui a été utilisée pour le meurtre ? » demanda Kate.
« Oui. Un Ruger Hunter Mark IV. Ça m’a semblé bizarre, presque professionnel. Ce n’est pas une arme banale pour un simple meurtre sans mobile apparent. »
« Je trouve aussi. La balle et la douille que nous avons retrouvées nous ont facilement permis d’identifier l’arme. Mais malgré le fait que ce soit une arme particulière et assez rare, le fait qu’elle ait été utilisée nous donne une autre indication : que l’assassin est quelqu’un qui ne doit pas être habitué à tuer des gens. »´
« Pourquoi ? »
« Si c’était quelqu’un qui savait ce qu’il faisait, il saurait que le Ruger Hunter Mark IV laisserait une douille. Ce qui en fait un très mauvais choix d’arme pour un meurtre. »
« J’imagine que le meurtre qui nous intéresse aujourd’hui a été commis avec le même genre d’arme ? » demanda DeMarco.
« Selon Duran, il s’agit exactement de la même arme. »
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