Я уже знаю более или менее всех здесь и не могу пройтись по улице, чтобы не встретить человека, которого знаю по имени. Подумай, как это весело. Еще и поэтому я спешу уехать. Теперь предстоит только преодолеть сопротивление Мальтицев, которые невесть почему вообразили, будто я приехал сюда с намерением провести рядом с ними несколько недель! Как бы не так! Что до меня, я понял, что мог бы увезти их в Лейпциг , где только что открылась ярмарка, а оттуда по железной дороге в Дрезден. Это и их желание тоже. Но сомнения всякого рода, терзающие беднягу Мальтица, не позволяют этим планам осуществиться. 30 сентября состоится какая-то годовщина, удерживающая его в Веймаре, — и ты понимаешь, конечно, что я ничуть не расположен дожидаться его… Впрочем, что тебе сказать? Я не настолько наслаждаюсь их обществом, чтобы приговорить себя к скуке из любви к ним. Добрая Клотильда по-прежнему настолько же резка и неуживчива со всем миром, насколько обожает своего мужа. Однако если обожание мешает мне, когда я являюсь его предметом, то оно глубоко досаждает мне, когда я являюсь всего лишь свидетелем его. Что касается до Мальтица, скучная жизнь, без круга общения, перевозбудила его нервы до крайней степени и он, при всей его доброте, порою бывает взбалмошным, как болезненный ребенок.
Тютчевой Эрн. Ф., 15/27 сентября 1841 *
66. Эрн. Ф. ТЮТЧЕВОЙ 15/27 сентября 1841 г. Дрезден
Dresde. Ce 27 septembre
Ma chatte chérie. Il me semble qu’il y a des siècles que nous nous sommes quittés. Ah, quel ennuyeux plaisir que le voyage. Me voilà à Dresde depuis hier et je n’y suis venu que pour l’acquit de ma conscience. Hier cependant, en arrivant ici, j’étais dans une disposition tout à fait sentimentale et qui avait je ne sais quel air de rêve. Dresde est un endroit auquel je rattachais des souvenirs qui me sont bien chers et qui me sont devenus plus personnels que les miens propres. C’est ici que tu es née, et cette petite circonstance qui alors était si étrangère à ma destinée, devait en devenir tout le fond et à la même époque une autre existence, un autre passé… Mais trêve de souvenirs. Cela grise comme de l’opium et fait avorter une lettre dès le début. Ce qui a pu contribuer à me sentimentaliser, c’est la manière toute particulière dont le mouvement de la voiture à vapeur agace les nerfs… Mais voyons. Tâchons de prendre le ton narratif… J’ai quitté Weimar le 24, demandant mentalement pardon aux Maltitz d’avoir été injuste envers eux par l’effet de l’ennui — la veille encore ils m’ont fait dîner avec la belle-fille de Goethe * qui, malgré sa laideur et ses boucles grises, et une dose passable d’affectation, m’a assez plu. Il est vrai que mes premières impressions sont presque toujours d’une indulgence extrême. Si elles avaient de la durée, cela tournerait à la charité.
A Leipsick je suis tombé dans un gouffre d’hommes, de boutiques, de marchandises. C’était la seconde semaine de la foire, c’est-à-d le moment de sa plus grande activité. Toutes les auberges pleines de monde, pas moyen d’obtenir un pauvre petit coin pour y reposer la tête. Je me disais à moi-même, en essayant d’imiter tes intonations, que j’étais le plus désorienté des petits. Enfin la Providence m’a pris par la main et m’a mené loger chez un maquignon. La même Providence quelques heures plus tard m’a fait rencontrer au plus fort de la bagarre Fr. Bothmer * , revenant du Mecklenbourg et perdu, comme moi, au milieu de ce chaos. Comme il était aussi sans asile je l’ai conduit chez mon maquignon et lui ai généreusement cédé la chambre du Brochet . Et puis nous nous sommes mis à flâner de compagnie. Mais, pour ma part, je suis certainement l’homme le moins digne d’une foire. Cela me fait le même effet que produirait sur toi la lecture d’un livre de méthaphysique. Pour m’intéresser un peu à tous les objets que je regardais sans voir il m’aurait fallu l’intermédiaire de tes yeux; ah, que n’étais-tu là! Que j’ai maudit ma stupidité qui m’empêchait dans ce tas de marchandises de fixer, même en idée, un choix quelconque. Mais je sais bien ce que j’en vais faire. A mon retour je suis décidé à acheter la foire toute entière, je te l’apporterai. Alors tu pourras choisir à volonté.
De Leipsick je suis parti sur le chemin de fer à trois heures de l’après-midi et suis arrivé ici à 7 h. C’est une distance de 16 m, la même qu’entre Ratisbonne et Munich. Il faut convenir que cette vapeur est une grande magicienne, et il y a des moments où le mouvement est si rapide, si dévorant, où l’espace est complètement vaincu, supprimé qu’il est difficile de ne pas éprouver un petit sentiment d’orgueil. Arrivé à Dresde j’ai pu le même soir encore aller au théâtre et j’y suis allé moins pour mon plaisir que pour en faire honneur au chemin de fer.
Dresde n’a pas beaucoup pris le grandiose de Prague, mais la vue sur l’Elbe de la terrasse de Brühl est charmante, c’est-à-d serait charmante, si tu étais là. Hélas, ce n’est pas un compliment que je te fais, en parlant ainsi, c’est tout bonnement l’aveu de mon impuissance d’exister par moi-même.
Ce matin je me suis mis en règle avec la galerie de tableaux, puis j’ai été voir Schröder * , notre M à Dresde qui m’a retenu à dîner. Ce pauvre Schröder est certainement un des mortels les plus nuls et les plus insipides que j’ai rencontrés. Il y a là un malheureux secrétaire qui est son souffre-douleur et qui m’a ait frémir par le retour qu’il m’a fait faire sur moi-même. Car enfin la destinée de cette pauvre créature aurait pu être la mienne. J’ai trouvé aussi à Dresde une colonie de Russes, tous de mes parents et amis, mais de parents, que je n’ai pas vu depuis 20 ans, et des amis dont je ne savais plus le nom. Cela m’a valu encore quelques impressions peu agréables. Il y a là entr’autres ma cousine que j’ai connue enfant et que j’ai retrouvée vieille femme. C’est la sœur d’un de ces malheureux exilés en Sibérie qui a fait le mariage romanesque avec une jeune Française où j’ai eu quelque part. Eh bien, ce frère est mort, sa femme est morte, son père, sa mère sont morts, tout est mort, et la cousine en question se meurt aussi de la poitrine * .
Ah, qu’il me tarde de te revoir! Aussi je veux partir demain, en repassant par Leipsick, et j’espère, Dieu aidant, être près de toi dimanche prochain. Mais, si par hasard j’arrivais un jour ou deux plus tard, ne t’en inquiètes nullement. Comme je ne suis pas sûr de pouvoir aller tout d’une traite jusqu’à Munich, je coucherai peut-être une fois en route.
Aie soin aussi, ma chatte, que je trouve quelques lignes de toi à Augsbourg, car il est possible que c’est par ce côté-là que j’arrive. Adieu. Je me sens trop nerveux pour continuer à écrire. Embrasse les enfants. A toi de cœur.
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