По приезде сюда я написал графу Нессельроде, чтобы сложить с себя должность секретаря в Турине и просить его разрешения провести зиму за границей * . Он очень учтиво ответил мне согласием на мою просьбу. Теперь вот каковы мои намерения. В будущем мае мы поедем в Петербург, как я обязался перед министерством, и, если только мне не предложат какого-либо поста положительно выгодного, какого-либо необычайного повышения — что маловероятно — если, повторяю, не будет подобной счастливой случайности, я твердо решился оставить дипломатическое поприще и окончательно обосноваться в России. Нести желает этого не менее, чем я. Мне надоело существование человека без родины, и пора подумать о приискании приюта для надвигающихся лет. Особливо же пора свидеться с вами, чтобы более вас не покидать. Дай нам Господь еще несколько лет, дабы возместить потерянное время.
Предполагаю, что это письмо застанет вас еще в Минске у Дашиньки и ее мужа * . Передайте им тысячу дружеских приветствий от меня. Я не писал Дашиньке после ее последнего письма. Но это потому, что есть вещи, о коих невозможно говорить, — эти воспоминания кровоточат и никогда не зарубцуются.
Николушка уже, должно быть, от вас уехал. Если это так, то благоволите, прошу вас, доставить ему в Варшаву письмо моей жены * . Что до меня, я рассчитываю написать ему непосредственно. Но в Варшаве ли он еще, и каков его адрес?
Не пишу вам о нашем здешнем образе жизни; мы живем очень уединенно и тихо. Дети, Мальтиц и его жена, тетка Клотильды, ее отец и братья * — вот кто составляет наше обычное общество. Я часто видаю Северина , который очень дружески ко мне относится. Из русских здесь еще старый граф Толстой со своей дочерью, графиней Закревской * , которая всякий раз, когда я у него бываю, поручает мне передать вам поклон. — На этот раз простите. Напишу вам через несколько дней.
Тютчевым И. Н. и Е. Л., 20–22 января/1-3 февраля 1840 *
54. И. Н. и Е. Л. ТЮТЧЕВЫМ 20–22 января/1-3 февраля 1840 г. Мюнхен
Munich. Ce 1 erfévrier/20 janvier 1840
Je suis de nouveau bien coupable envers vous, chers papa et maman. Depuis six semaines il ne s’est pas coulé un jour que je ne me sois sévèrement reproché de l’avoir laissé passer sans vous écrire. Votre dernière lettre que j’ai reçue il y a quelques jours est venue enfin rompre la glace. Je vous remercie des choses bonnes et affectueuses que vous dites dans cette lettre de ma femme. Elle mérite à tout égard l’opinion favorable que vous vous en êtes formée. On ne pourrait être meilleure qu’elle n’est, plus vraie, plus aimante et dévouée. Vous l’aimerez certainement dès que vous la connaîtrez.
Je vois avec peine par votre lettre que vous êtes beaucoup plus préoccupés de ma santé qu’il n’y a lieu de l’être. Depuis six semaines que j’ai commencé la cure d’eau j’éprouve une amélioration dans ma santé que je n’osais plus espérer. Il m’est démontré maintenant, par le bon effet de cette cure que le principe de mon mal était dans les nerfs affaiblis et surexcités. Toutes mes autres infirmités n’étaient que la conséquence de celle-ci. Or il est reconnu que l’eau froide et le grand air sont les seuls moyens de fortifier les nfs. Je ne puis assez me féliciter d’avoir, par une sorte d’instinct, recé depuis des années à toute drogue de pharmacie. C’est là ce qui me facilite maintenant le succès de ma cure. Mon appétit, depuis que je l’ai commencée, s’est sensiblement amélioré, tous ceux qui me voient s’accordent à me trouver meilleure mine. Voici, j’espère, chère maman, un bulletin qui doit vous satisfaire. Et ce qui achèvera de vous rassurer, c’est qu’il y a près de moi quelqu’un dont la faculté de s’inquiéter de ma santé à tout propos et hors de propos ne peut se comparer qu’à celle que je vous ai connu, autrefois, à vous-même. Car ce n’est certainement pas la faute de ma femme, si je ne me suis pas encore définitivement convaincu que j’étais de neige et que j’allai fondre et m’évaporer au premier rayon de soleil.
Nous sommes maintenant en plein carnaval. Les bals se suivent sans interruption. Nous allons beaucoup dans le monde. J’y vais plutôt par nécessité que par goût. Car la distraction quelqu’elle soit est devenue une véritable nécessité pour moi… Dernièrement Sévérine a donné un des plus beaux bals de la saison. Je vous ai dit, , que S<���évérine> s’est pris d’une grande affection pour moi que je paie de retour, plus encore par reconnaissance que par sympathie. Sa position est assez singulière dans ce pays. Il est très bien traîté par le Roi * qui l’estime et l’apprécie, mais par contre, il est très peu goûté par la société de Munich. Hier il a eu une lettre de Joukoffsky qui lui annonce une prochaine entrevue. Vous savez sans doute que le Grand-Duc Héritier est attendu le mois prochain à Darmstadt * , d’où il viendra probablement à Munich, faire une visite à la Duchesse de Leuchtenberg * . Ici, on s’attend de voir toute la Famille Impériale dans le courant de l’été prochain. Une chose certaine, c’est l’arrivée de la Gr-Duchesse Marie avec son époux qui doivent venir ici au mois de août, pour passer tout l’hiver à Munich. Mais il est fortement question aussi d’un voyage que l’Impératrice doit faire, à la même époque, en Allemagne, d’où elle se rendrait en Italie pour y passer l’hiver * . Or, si le projet se réalise, il n’y a pas de doute qu’elle passera par ici. Elle s’est trop plu la dernière fois dans le pays, pour ne pas désirer de le revoir, lors même qu’il n’y aurait pas de raisons de famille, pour l’engager à y revenir.
On sait aussi ici que le Comte de Nesselrode avait l’intention de venir l’été prochain en Allemagne, probablement aux eaux de Bohème. Je désire beaucoup que cela se fasse. Car toutes ces puissances sont plus accessibles et plus maniables en pays étranger que chez elles. Aussi dès que je le saurai à Carlsbad, j’irai le trouver * . Je ne sais pas encore au juste ce que je lui demanderai, mais je demanderai… Une place de secrétaire de légation ne pourrait me convenir. Je ne l’accepterai, en aucun cas. Reste à savoir, s’ils consentiront à me nommer conseiller d’ambassade ou, à défaut d’un poste semblable, à me donner une place un peu convenable au département…
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