Sa théorie du besoin d'être entièrement vêtue s'avéra exacte lorsqu'elle sortit de la salle de bains pour voir la chambre de Ren disparaître de son champ de vision.
Angelica se faufila par la porte de sa chambre et la ferma rapidement derrière elle. Glissant la serrure en place, elle s’y appuya le front en souhaitant qu'elle soit faite d’une autre matière que ce bois épais… en titane, par exemple.
Lâchant un profond soupir, elle fronça les sourcils et s'éloigna de la porte, fixant la serrure comme si c'était son seul espoir. Dans un sens, ça l'était. Cette petite serrure était la seule chose entre elle et l'envie qu'elle avait de voir Syn, maintenant qu'il n'était plus là pour la surveiller. Ou plutôt, la harceler.
En levant la main, elle se frotta la tempe droite en faisant de rapides petits cercles, tout en reconstituant le fait qu'elle venait de fuir cet homme… ou peu importe ce qu'il était… parce que maintenant, elle s'ennuyait de lui au point d’en rendre sa poitrine douloureuse.
– Je n'ai besoin de personne, se rappela-t-elle, mais ses doigts s'arrêtèrent en plein cercle. Elle secoua sa main vers le bas de sa tempe en sentant le mensonge à l'intérieur de ses propres paroles. Vu qu'elle ressentait les symptômes du sevrage, elle pourrait aussi bien nommer ce qu'il était comme… une dépendance.
En s’éloignant lentement de la porte, elle ferma les yeux, ce qui lui permit d'approfondir encore plus ses pensées. Il ne fallait pas sortir de Saint Cyr pour comprendre que Syn lui embrouillait l'esprit. Il y avait une ligne dangereuse à franchir et si elle osait le faire, il n'y aurait pas de retour en arrière.
Ils ne devraient pas être partenaires… pourquoi Storm n'avait-il pas pensé à ça ? Tout ce que Syn avait fait dans ce tunnel, c'était de se moquer d'elle. Ce n'était pas comme s'il avait vraiment besoin d'un partenaire, parce que tout ce qu'il avait eu à faire était de placer une barrière autour des sorties. Et rien de plus.
Ce souvenir revint la hanter comme un cauchemar. Dans les tunnels, sous le musée, elle avait ressenti une forte sensation de claustrophobie l'envahir alors que le plafond du tunnel grondait et se fendait. C'était très inquiétant pour elle de réaliser qu'elle se tenait debout dans sa propre tombe.
Alors que de gros rochers effrités commençaient à se briser et à lui tomber autour, elle avait vu des démons courir dans l'escalier caché afin de tenter de s'échapper dans les tunnels… et elle se trouvait en plein dans leur passage. Et c’est comme si une sorte de raz-de-marée géant composé de débris les poursuivait en avalant ceux qui n'étaient pas assez rapides pour y échapper.
Elle était restée pétrifiée de peur, comme paralysée sur place. Et puis, des bras l'encerclèrent soudainement et l'escalier s'était évanouit au loin avant de disparaître complètement. Elle se mit à frissonner de nouveau en s'enroulant les bras autour d'elle-même rien qu’en repensant à la sensation qu’elle avait ressentie lorsque le tunnel s’était effondré. Mais c'est surtout ce qu’il s'était passé juste après qui avait véritablement causé sa chute.
Lorsque son monde se stabilisa à nouveau, elle constata qu'elle se trouvait sur le toit d'un bâtiment, au lieu d'être juste dessous. Ressentant toujours une légère vibration sous ses pieds, elle tourna la tête juste à temps pour voir le musée s'effondrer dans les tunnels souterrains où elle se trouvait quelques secondes plus tôt.
Lentement, en regardant le torse chaud contre lequel elle reposait, elle avait remarqué que ses mains s’étaient glissées sous sa chemise, ce qui montrait qu'elle avait eu peur et qu'elle avait besoin de lui. À ce moment-là, tout ce qu’elle voulait, c’était s'enfouir dans ses bras robustes et rester là où elle était… c’est-à-dire, là où rien ne pouvait lui faire de mal.
Elle fit alors l'erreur de regarder le bel homme auquel elle s'accrochait. Le bout de ses cheveux noirs s’envola dans le courant ascendant de l'immeuble qui s'effondrait, mais pourtant, il semblait bizarrement tellement calme… ou du moins elle l'avait cru, jusqu'à ce qu'elle ferme les yeux face à ce regard d'améthyste qui la fixait, plein de chaleur et de puissance indomptée.
Cela lui rappela la première fois qu'elle avait eu une vision de lui… de sa beauté envoûtante. C’était dans la grotte. La nuit où le symbole était apparu sur sa paume.
Le rythme de sa respiration s’accentua lorsque son regard s'abaissa sur ses lèvres sensuelles. Réalisant qu'elle ne désirait que lui, elle fit un pas en arrière. Une fois enfin sortie de l’emprise de ses bras, elle réalisa que c’était Syn qui les avait fait tomber… et ses yeux devinrent instantanément noirs et sombres… c’était dangereux d’y toucher, elle dut réprimer un frisson.
Refoulant ce souvenir, Angelica leva sa paume de main, voyant que rien n'avait changé depuis leur première rencontre… le symbole était toujours là, et ses détails étaient toujours impeccables. Il était là depuis un certain temps, déjà. Elle vacilla intérieurement quand elle se rendit compte qu'elle n'avait jamais vraiment fait d'efforts pour l'enlever.
Syn lui avait dit qu'il le lui avait donné pour la protéger et pour une raison étrange, elle l'avait cru. Quand avait-elle commencé à lui faire autant confiance ?
Dans le passé, elle aurait remis en question chaque fait et geste d'une créature aussi puissante que lui. Mais au cours des deux dernières semaines, son naturel avait pris le pas sur la curiosité et la chaleur. Et il avait une étrange manière de se nourrir en elle.
Les membres de l’EEP la décrivaient généralement comme une solitaire qui n'était pas intéressée à se faire des amis. C'est ainsi qu'elle avait voulu que tout le monde la voie… pour qu'ils gardent leurs distances. Depuis l'apparition de Syn dans sa vie, il avait laissé cette impression s’exposer devant tous. De son côté, il commençait par l’obséder. Et cela semblait être réciproque envers lui. Et elle voulait que ça s'arrête… parce que, finalement, l'était-elle vraiment ? Et rien que de penser à tout ça, il lui semblait que la douleur qui était dans sa poitrine irradiait de plus en plus.
– Bienvenue au pays de la confusion… population numéro un, dit-elle dans le silence de la pièce.
Elle fit une grimace en voyant à quel point elle avait l'air pathétique. Elle était plus forte que ça. Elle regarda la marque de sa paume en se demandant si c'était la cause des sentiments étranges qu'elle éprouvait pour Syn… un peu comme la servitude d'un vampire. Après tout, Syn était l'ancêtre de cette race, n'est-ce pas ? Elle avait besoin d'arrêter d'ignorer ce petit détail, qui était néanmoins dangereux. Il avait déjà admis qu'il ne se souciait pas de la guerre contre les démons… alors pourquoi était-il ici ? Pour la distraire ? Pourquoi n'aidait-il qu'elle ?
– Tout a commencé avec toi, dit-elle en accusant le symbole.
Elle souleva son autre main pour venir la placer sur le dessin complexe de sa paume, dans l'intention de la traiter de la même façon qu'elle aurait traité n’importe quelle autre marque démoniaque qu'elle avait eu l’occasion d’enlever dans le passé à d’autres personnes.
Le bout de son index s'effaça de la forme de l'objet, à la recherche du moindre défaut. Un froncement de sourcils apparut discrètement sur son visage, ne voyant aucune intention sous-jacente malveillante. Se concentrant davantage sur ce symbole complexe, elle se mordit la lèvre inférieure alors qu'elle commençait à l'approfondir, jusqu'à ce qu'elle se sente submergée par des sensations bizarres. Entrouvrant la bouche, elle se mit à respirer de manière brusque. Elle se sentit étourdie un instant, puis quelque chose de bizarre s’ensuivit, comme si une force invisible tapait sur le symbole. Puis ses pouvoirs s’en emparèrent. Elle fut tellement surprise qu'elle paniqua en retournant ses pouvoirs contre elle. Le symbole généra comme une sorte de coup de fouet magique autour d'elle qui lui lécha la peau avant de disparaître d'où elle venait. Elle aurait même juré que cette maudite marque venait de la « goûter ».
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