Жюльетта Бенцони - Etoile bleu
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– Cela vous va bien de parler de sentiments, vous qui vous êtes joué des miens, qui avez osé...
– Vous trahir ? Je sais ! Ne recommençons pas !... Votre seule excuse, c’est votre jeunesse, et j’aurais dû être sage pour deux ! A présent, allez au diable avec qui vous voulez puisque votre distraction favorite consiste à vous enfuir avec le premier venu ! Moi, j’en ai assez...
Tournant les talons, il se dirigea vers la porte mais, au moment où il atteignait le bouton, elle le rattrapa, le tira en arrière près de la fenêtre demeurée ouverte.
– Sauvez-vous pendant qu’il en est temps encore ! s’écria-t-elle. En suivant le rebord, on peut atteindre une petite terrasse d’où il doit être facile de rejoindre le sol. Ensuite, si vous allez tout droit, vous trouverez un mur mais il n’est pas très haut. Derrière, il y a la route de Paris qu’il faut prendre à droite...
– Vous voulez que je m’enfuie, à présent ? Qu’est-ce que ça cache encore ?
Il la regardait au fond des yeux et vit qu’ils étaient pleins de larmes et de supplications. Elle semblait bouleversée.
– Rien d’autre que mon désir de vous savoir vivant, murmura-t-elle. Après tout... je ne connais pas ces gens, même si mon frère les porte aux nues, et j’ai peut-être eu tort de leur faire confiance. Maintenant, je ne sais plus qui croire... et j’ai peur ! S’il allait vous arriver quelque chose... je... je serais très malheureuse !
– Alors venez avec moi !
Il l’avait saisie aux épaules pour mieux lui communiquer sa force et sa conviction, mais elle n’eut pas le temps de répondre : la voix métallique d’Ulrich se faisait entendre sur le seuil :
– Charmant tableau ! J’espère que vous vous êtes tout dit ? Nous n’avons plus de temps à perdre ! Alors veuillez lever les mains en l’air, tous les deux, et sortir sans faire d’histoires !
Le gros revolver à barillet qui prolongeait son poing rendait la discussion difficile, pourtant Aldo protesta :
– Pourquoi elle ? Je vous croyais complices ?
– Je le croyais aussi mais, après ce que j’ai entendu, je n’en suis plus très sûr.
– Qu’allez-vous en faire ?
– C’est à elle de choisir : si elle veut toujours nous suivre, son frère l’attend dans la voiture sous la garde de Gus. Si elle préfère rester avec vous, elle partagera votre sort.
– Laissez-la partir !
– J’ai peut-être mon mot à dire ? s’insurgea la jeune femme.
– Vous le direz plus tard ! On perd du temps. Descendez et pas un geste ou je tire !
Rien d’autre à faire que de s’exécuter !
La double porte du salon n’était que poussée.
À l’intérieur, le gigantesque Sam attendait avec les menottes qu’il reboucla autour des poignets d’Aldo, et des cordes qui lui servirent à le ficeler soigneusement sur une chaise plantée au beau milieu de la pièce. Quand ce fut fait, Ulrich qui tenait toujours Anielka en respect l’interrogea :
– À votre tour, ma belle ! Que choisissez-vous ? Une autre chaise aussi confortable, ou la Rolls de votre riche époux ? Car, bien entendu, nous n’avons pas l’intention de la rendre. Elle plaît beaucoup à mon ami Sigismond qui a bien mérité cette récompense...
– Elle le mènera tout droit en prison, ricana Morosini. Il va en faire quoi, de sa Rolls ? La promener dans Paris où elle sera repérée en deux minutes ?
– C’est son affaire. Alors, ma jolie, que choisissez-vous ?
Anielka croisa les bras et releva son joli nez d’un air de défi.
– Dire que je vous prenais pour un ami ! Je préfère encore rester ici...
– Ne soyez pas stupide, Anielka ! fit Aldo. Allez-vous-en ! Je n’augure rien de bon de ce qui m’attend et au moins vous serez avec votre frère.
– Ça, t’as bougrement raison ! s’exclama le gros Sam. Parc’ que si tu veux savoir, on va foutre l’ feu à la cabane avant d’se tirer !
Le hurlement terrifié de la jeune femme couvrit la protestation d’Ulrich reprochant à son acolyte d’avoir la langue trop longue, puis s’arrêta net : le géant venait de la frapper brutalement et elle s’écroula tandis qu’il commençait à la ficeler. Cette fois, Ulrich approuva :
– C’est aussi bien comme ça ! Elle commençait à faire trop de bruit. Quant au gamin, s’il nous embête trop, on s’en débarrassera aussi ! Au moins on gardera tout !
– Vous êtes vraiment de fiers misérables ! jeta Morosini indigné. Emmenez-la donc ! Sa mort ne vous rapportera que de très gros ennuis...
Penché sur le corps de la jeune femme, Sam marquait un instant d’hésitation quand il s’écroula avec un cri, atteint dans le dos par la balle que venait de tirer Ferrais. Le baron pénétrait à cet instant dans la pièce, un Colt à chaque poing. Ulrich, furieux, fit feu à son tour mais l’une des deux gueules noires cracha, lui arrachant son propre pistolet avec une précision diabolique.
– On dirait que vous savez vous en servir ? commenta Morosini qui n’avait jamais été aussi content de voir cet homme qu’il n’aimait pas. D’où sortez-vous donc, sir Eric ?
– De ma voiture. Je suis venu avec vous sans que vous vous en doutiez...
– Je vois ! J’aurais dû vous laisser vous débrouiller seul !... En attendant, sortez votre femme de là ! Elle va étouffer sous ce poids...
Sans quitter de l’œil Ulrich que sa main brisée faisait gémir, Ferrais s’efforça de faire basculer à coups de pied le corps de Sam, mais l’Américain était lourd et la jeune femme sans connaissance. Posant alors une de ses armes, il se pencha pour empoigner l’énorme carcasse et la tirer en arrière quand Morosini, qui suivait la manœuvre avec impatience, l’avertit :
– Attention ! La porte !
Une silhouette s’encadrait dans le chambranle : celle de Gus, l’homme des faubourgs. Il était armé d’un couteau qu’il lança avec une rapidité dénotant une longue habitude, et qui manqua sir Eric d’un cheveu avant d’aller se planter dans le parquet. L’Anglais tira à son tour mais cette fois rata une cible qui venait de disparaître. En même temps, une voix bien connue criait :
– Cessez le feu ! C’est moi, Vidal-Pellicorne ! Il était méconnaissable parce que noir de la tête
aux pieds : vêtements, casquette à pont enfoncée jusqu’aux yeux et visage passé à la suie, le parfait ramoneur ! Sous son bras, l’archéologue traînait le corps de Gus qu’il venait d’assommer et qu’il laissa tomber à terre, quand il s’aperçut que, maîtrisant sa souffrance, Ulrich tentait de s’approcher de son arme partie sous un fauteuil. Il s’en empara, la mit dans sa poche après avoir assené au personnage un coup de crosse suffisant pour l’envoyer au pays des rêves en attendant qu’on l’attache.
– La police ne devrait pas tarder ! déclara-t-il en allant ramasser le couteau dont il se servit pour couper les liens d’Aldo. Mon compagnon de route est allé la prévenir dès que nous avons repéré la maison. Mais par quel miracle êtes-vous là, sir Eric ?
– Pas de miracle. Lorsque j’ai commandé la Rolls qui a amené le prince, j’ai indiqué à l’usine un aménagement spécial : il s’agissait de pratiquer, sous la banquette arrière, une cache où un homme de taille moyenne puisse se tenir couché et respirer grâce à des aérations soigneusement dissimulées. Cette disposition m’a déjà rendu de grands services et j’ai été tout à fait ravi quand ces imbéciles ont exigé cette voiture-là. Je suis donc venu à l’insu du prince Morosini. Ce dont je lui demande infiniment pardon... Mais au fait, et vous, Vidal ? Comment se fait-il que vous soyez ici et qui est ce compagnon dont vous venez de parler ?
– Un charmant garçon, sportif, que je dois à Mme de Sommières. Elle était fort tourmentée de savoir un neveu qu’elle aime embringué dans une histoire inquiétante...
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