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Жюльетта Бенцони: le collier sacré de Montézuma

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Жюльетта Бенцони le collier sacré de Montézuma

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Il était fébrile à présent, pressé de gagner la sortie vers laquelle il allait s’élancer. Aldo le retint :

— Une minute, s’il te plaît ! Commence par me débarrasser de ça ! fit-il en tendant la valise spéciale contenant les deux Guardi qui avaient voyagé avec lui.

— Qu’est-ce que c’est ?

— Notre cadeau de mariage, à Lisa et à moi. Avec tous nos vœux de bonheur !

— C’est un tableau ?

— Deux. Les Guardi que tu aimes tant. Nous espérons que ta fiancée les aimera aussi !

Soudain ému jusqu’aux larmes, Gilles embrassa son ami :

— Merci ! Mille fois merci ! Je sais déjà où les mettre… mais pour l’instant il faut que je me hâte. Tu comprends, n’est-ce pas ?

En fait, Aldo comprenait de moins en moins et, dans le taxi qui l’emmenait au parc Monceau sur lequel donnait l’hôtel de Tante Amélie, il s’efforçait de mettre de l’ordre dans ses idées assez sérieusement perturbées par le comportement de l’heureux fiancé. S’il ne l’avait si bien connu, il aurait pu douter avoir affaire au même personnage. En quelques mois, cet homme enthousiaste, passionné par son métier, insoucieux du qu’en-dira-t-on et crachant feu et flammes dès qu’il était question de la bien-aimée du moment, toujours flamboyant et cultivant plus volontiers le style mousquetaire que le genre hidalgo coincé, s’était mué en une espèce de mystique prosterné aux pieds de son idole et prêt à lui sacrifier la terre entière…

L’impression revint en force quand on se retrouva le lendemain après-midi à la mairie du VIIe arrondissement pour le mariage civil… et en très petit comité : les deux fiancés et les quatre témoins. Pour Doña Isabel, son oncle et son cousin, et pour Gilles, qui n’avait aucune famille, son assistant et fondé de pouvoir Richard Bailey, un Anglais d’une soixantaine d’années dont Aldo appréciait la courtoisie parfaite, la culture et le sens de l’humour. Sa jaquette anthracite et son pantalon rayé – comme ceux d’Aldo lui-même ! – tranchaient sur le noir absolu arboré par les Mexicains. À l’identique de la mariée – longue pelisse de velours ourlée de renard noir et toque assortie, elle n’arborait d’autre couleur que le blanc laiteux des perles en poire de ses oreilles. Quant à Vauxbrun, naturellement, il s’était conformé à la majorité et semblait se fondre dans l’ensemble.

Cela constaté, Aldo ne s’y attarda pas, confondu par la rare beauté de la jeune fille devant laquelle son ami semblait en adoration perpétuelle. Plus qu’à un fiancé heureux, il ressemblait à un croyant devant la statue d’une sainte, figée elle-même dans une vie intérieure inaccessible au vulgaire.

Avec ses longs yeux noirs dont les paupières se relevaient rarement, le visage d’Isabel, que semblait tirer en arrière la masse d’une épaisse chevelure brillante coiffée en bandeaux et nouée en un épais chignon sur la nuque, évoquait quelque divinité féline par sa forme légèrement triangulaire. Le teint était d’ivoire, légèrement rosé aux pommettes, la bouche d’un beau corail clair était bien dessinée, pulpeuse juste ce qu’il fallait sous la noblesse fière d’un petit nez parfait, soulignée aux coins des lèvres d’un pli orgueilleux. Quant au sourire, impossible d’en juger : consciente peut-être de la gravité de l’instant, Doña Isabel ne l’offrit à personne. Ni à son fiancé, ni au témoin de celui-ci quand on le lui présenta. Elle se contenta de le regarder rapidement en se déclarant enchantée, sans qu’il soit possible de déchiffrer la moindre impression dans l’insondable profondeur du regard… Si insondable que l’on pouvait se demander s’il n’était pas vide.

Ses parents n’étaient pas plus récréatifs. Don Pedro Olmedo de Quiroga, l’oncle, ressemblait au portrait d’Olivares par Vélasquez. Quant à son fils, le cousin Miguel, il ressemblait à Isabel en plus viril. Son nez était carrément arrogant et sa lèvre méprisante. Seule concession à la festivité du jour dans leur vêture funèbre : les épingles de cravate. Don Pedro avait choisi un joli diamant et son fils un rubis. Manquait la grand-mère, Doña Luisa de Vargas y Villahermosa, qui n’avait pas jugé utile de venir se geler les pieds dans une mairie républicaine. L’église du lendemain lui suffirait.

Autre entorse à la tradition, aucune réunion, aucun partage du sel et du pain n’était prévu pour les deux familles, même s’il était d’usage, en France – et ailleurs ! – de faire suivre le mariage civil d’un déjeuner ou d’un dîner. Quant à l’habituel enterrement de vie de garçon, Vauxbrun n’en avait pas soufflé mot. C’eût été pourtant la moindre des choses pour les noces du plus brillant célibataire de Paris. Les fiancés dûment unis selon la loi, on se sépara en échangeant des saluts compassés. La colonie « mexicaine » augmentée de Vauxbrun regagna le Ritz. Richard Bailey n’étant pas d’un naturel bavard, Morosini n’essaya pas de lui demander ce qu’il pensait de l’événement. Il en sut assez quand le digne Anglais, en le saluant, leva les yeux au ciel avec un soupir. Il retournait veiller sur les destinées du magasin d’antiquités de la place Vendôme – à cinquante mètres du palace – et Aldo, de plus en plus perplexe, rallia la rue Alfred-de-Vigny.

— Jamais rien vu de pareil ! déclara-t-il, tandis que Cyprien, le vieux maître d’hôtel de la marquise, le débarrassait de son manteau, de son chapeau et de ses gants. Il faut vraiment que Gilles soit mordu pour se jeter tête baissée dans cet Escurial ambulant ! Tiens ? Tu es là, toi ?

L’apostrophe s’adressait à son ami et compagnon d’aventures habituel, Adalbert Vidal-Pellicorne, égyptologue de renom et, à l’occasion, agent secret et même cambrioleur mondain quand la nécessité s’en faisait sentir. Ce qui lui valait une place de choix dans l’amitié de la marquise de Sommières.

— À ton avis ? fit-il en dépliant sa longue silhouette pour atteindre la bouteille de champagne dans son rafraîchissoir et en verser une coupe à l’arrivant. Dis-nous plutôt comment est la demoiselle !

— Aucune de vous ne l’a encore jamais vue ? demanda-t-il tandis que son regard se posait sur les occupantes du jardin d’hiver où Tante Amélie aimait à tenir ses assises au milieu des plantes vertes, des fleurs et des meubles en rotin blanc à coussins de chintz.

Octogénaire depuis peu mais droite comme un I dans des robes princesse à guimpe baleinée sous une collection de sautoirs précieux, coiffée d’une couronne de beaux cheveux blancs où s’attardaient quelques mèches rousses, la marquise ne manquait ni de majesté jointe à une certaine grâce, ni d’une solide dose d’humour dont elle jouait pour déguiser ses sentiments intimes.

Auprès d’elle se tenait Marie-Angéline du Plan-Crépin, lectrice, cousine et âme damnée, si l’on pouvait ainsi qualifier une aussi pieuse personne assidue à la messe de six heures à l’église Saint-Augustin d’où elle tirait une foule de renseignements lui permettant de ne rien ignorer de ce qui se passait dans le quartier, voire plus loin. Sous une toison d’un blond terne qui lui donnait l’apparence d’un mouton monté en graine, la noble demoiselle – elle ne laissait ignorer à personne que ses ancêtres avaient « fait » les croisades – cachait une culture quasi encyclopédique, des talents surprenants, un cœur grand comme Saint-Pierre de Rome et une tendance marquée à se mêler de ce qui ne la regardait pas. Ce qui lui avait permis par le passé d’apporter une aide non négligeable à ses deux héros préférés, Aldo Morosini et Adalbert Vidal-Pellicorne.

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