Жюльетта Бенцони - La collection Kledermann
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La rancune que cette dernière gardait envers l’ex-beau-frère de la marquise ne résista pas à ces deux mots !
— Avec plaisir ! fit-elle en sautant sur ses pieds.
Naturellement, le récit de l’égyptologue fut en tous points semblable – le talent y compris ! – à celui de son ancien professeur au lycée Janson-de-Sailly mais vint ensuite la question qu’il redoutait et à laquelle Hubert de Combeau-Roquelaure n’avait apporté qu’une vague réponse : qu’était devenue l’épouse d’Aldo ?
— Si j’ai bien compris le professeur la voyait pour la première fois ?
— Absolument. Morosini lui-même ignorait ce cousin-là jusqu’à ce qu’il le rencontre dans ce bureau et vous le savez pertinemment !
— Certes. Il m’a seulement dit que c’était une fort belle femme et qu’elle semblait détester son mari ?
— Exact. Elle est ravissante. Quant à sa colère on peut la comprendre. Votre Borgia de pacotille l’avait sommée d’apporter un million de dollars si elle voulait revoir vivants non seulement son mari mais aussi la maîtresse dudit mari… Mais vous avez déjà dû entendre Mrs. Belmont ?
— Une très belle femme elle aussi ! Votre Morosini a de la chance !
— Si l’on veut ! Je vous rappelle qu’il a pris une balle dans le crâne ! Il est vrai qu’il devrait s’en sortir. Que vous a appris Pauline Belmont, si je peux me permettre ? C’est pour moi une amie chère !
— Elle m’a paru extrêmement malheureuse en dépit d’un comportement d’une grande… dignité ! Elle a volontiers admis qu’elle s’était sentie profondément humiliée, mais en dehors du fait qu’elles ont quitté le château en même temps ou presque, elle n’a pu me dire ce que la princesse était devenue. M’en direz-vous autant ?
— Un peu plus peut-être. Dès qu’elle a été hors du château, je l’ai vue partir en courant vers la lisière des bois.
— Vous n’avez pas essayé de la rattraper ?
— D’abord oui mais, peu après, le coup de feu qui a abattu Morosini a éclaté et je me suis précipité à son secours.
— D’où a-t-on tiré ?
— Difficile à préciser ! Le terrain est en pente et il a roulé sur lui-même. Naturellement je ne me suis pas soucié plus longtemps de Lisa… sa femme. Mais comme elle se dirigeait vers la ville, quelqu’un a bien dû la remarquer ? ajouta-t-il l’œil chargé d’innocence.
— La ville ? Elle était tout entière sur les lieux de l’incendie, à l’exception des impotents ! Ça les intéressait au premier chef comme vous pensez !
— Elle avait peut-être dans l’idée de faire de l’auto-stop ?
— Mais c’est idiot ! Il y avait un monde fou là-haut ! Elle pouvait demander de l’aide à n’importe qui ? À commencer par vous ?
— Vous avez entièrement raison… vu d’ici ! Mais je vous rappelle qu’elle vivait un cauchemar depuis plusieurs jours et qu’elle n’était plus elle-même. Dans son état on pouvait redouter le pire !
— À quoi pensez-vous ?… Un plongeon dans la Vienne ?
— Tout de même pas. Elle a trois enfants qu’elle adore au point de rendre parfois son mari jaloux. Non, avec une femme comme elle le suicide est exclu dans tous les cas ! Elle est suissesse, souvenez-vous, fille de banquier, elle a toujours eu les pieds sur terre et quand elle a épousé Aldo, elle n’ignorait rien de sa vie sentimentale passée. Elle le savait sujet à des poussées… de chaleur, dirais-je !
— Cette fois, cependant, il s’agissait d’un peu plus qu’une « poussée de chaleur », pour employer votre expression, mais bel et bien d’une maîtresse affirmée !
— Eh bien non, si étrange que cela puisse paraître ! Aldo ne nie pas que Pauline exerce sur lui un attrait puissant mais presque uniquement charnel.
— Difficile à admettre ! Elle est diablement séduisante !
— Oh, je vous l’accorde et d’ailleurs il lui voue une sorte de tendresse mais c’est sa femme qu’il aime !
— Pas très clair, tout de même !
— Ça le devient si j’ajoute que Pauline, elle, l’aime passionnément ! C’est elle qui a pris l’initiative de le rejoindre dans le Simplon-Orient-Express alors qu’il rentrait chez lui justement pour la fuir ! Tout le mal est venu de ce voyage en ce qui le concerne ! Là-dessus évidemment se sont greffées l’aide que Mr. Wishbone lui a demandée pour retrouver la Chimère des Borgia afin de l’offrir à la Torelli qui s’en prétend descendante… et la haine solide que celle-ci lui voue pour avoir refusé – et par deux fois –, alors qu’il est sans doute le plus grand expert européen en joyaux anciens, de s’intéresser à elle. Enfin, pour en finir avec la princesse Morosini, je pense qu’à l’heure présente elle a dû regagner Venise… d’où elle reviendra, j’espère, quand elle saura son mari gravement blessé ! Voilà, monsieur le commissaire, tout ce que je peux vous dire… Si vous avez encore besoin de moi vous n’aurez qu’à m’appeler ou en avertir mon vieux maître ! Je ne quitterai pas la Touraine tant que Morosini y sera…
— Aucun doute ! Vous avez menti effrontément à ce brave homme, décréta Mme de Sommières tandis que l’on revenait vers Tours. Et je pense que dans ce cas particulier vous avez bien fait de protéger Lisa mais vous avez couvert du même coup l’homme qui l’attendait et…
— Nous n’allons pas le lui reprocher ? coupa Marie-Angéline. Le seul à qui l’on peut dire la vérité dans cette histoire, c’est Langlois ! Et encore…
— Comment ça « Et encore » ? Il ne vous vient pas à l’idée, Plan-Crépin, que le tireur pourrait être cet homme ?…
— Lui, non ! émit l’égyptologue. Je suis formel. La voiture s’éloignait quand le coup a éclaté et je vois difficilement Lisa regardant sans broncher son « ami » tirer son mari comme un vulgaire lapin. Mais pour en revenir à Langlois et à la réflexion, je préfère éviter de lui en parler…
— Oh, je crois que je devine pourquoi ! fit Plan-Crépin avec un petit rire. Vous avez l’intention de régler ça tout seul, non ? Eh là ! Attention…
Adalbert, en effet, venait de donner un tour de volant imprévu afin d’éviter une poule qui sortait majestueusement d’une cour de ferme tentée par l’idée d’aller rejoindre son coq de l’autre côté de la route. Grâce à l’habileté du conducteur, la volaille put mener son projet à bonne fin avec un dédain absolu de la bordée d’injures un peu excessive peut-être mais qui fit un bien énorme à Adalbert en lui permettant de se défouler…
— Ça soulage, hein ? reprit Plan-Crépin en remettant son chapeau à sa place. À présent vous répondrez peut-être à ma question ? Vous vous réservez l’affaire Lisa et compagnie ?
— Naturellement ! Je considère ça comme un cas familial !
— Alors part à deux !… ou je mange le morceau !
— Plan-Crépin ! s’indigna la marquise. Voilà que vous pratiquez le chantage maintenant ? Et en quels termes ! Il est vrai qu’avec vous il faut s’attendre à tout !
— Nous devrions savoir que je suis capable de tout quand il s’agit de ceux que j’aime ! Et d’ailleurs est-ce que vous-même…
— Ne soyez pas insolente ! Depuis le temps vous devriez savoir que je déteste que l’on me dise mes vérités ! Conclusion, Adalbert ?
— On garde ça pour nous jusqu’à nouvel ordre ! Et il faut d’abord savoir où est passée Lisa !
2
Une nouvelle guerre des Deux-Roses ?
Décider de ce que l’on dirait ou qu’on ne dirait pas en roulant – même trop vite ! – sur une route de campagne et s’en tenir là quand la personne en question s’inscrit dans le paysage n’est pas du tout la même chose ! Adalbert allait en faire l’expérience dès le lendemain matin, en rencontrant ledit Langlois dans le hall de l’hôpital. Il s’y attendait si peu qu’il se sentit rougir comme s’il était coupable.
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