La lèvre inférieure du jeune homme, pendante, tremblait, comme sous l’effet de la nausée. Il gémit, et sa tête se renversa, ses yeux roulèrent dans leurs orbites. Le vampire l’installa doucement sur la chaise. Il luttait pour parler et les larmes qui perlaient au coin de ses yeux semblaient causées au moins autant par cet effort qu’il faisait que par son état de détresse. Sa tête, lourdement, retomba, comme celle d’un ivrogne, et l’une de ses mains se posa sur la table. Tandis que le vampire restait debout à l’observer, sa peau blême prit une douce et lumineuse couleur rose, comme si une lumière pâle l’eût éclairé et que tout son être en eût réfléchi l’éclat. La chair de ses lèvres se colora, devint presque rose elle aussi, les veines de ses tempes et de ses mains ne furent plus que des traces sur sa peau et son visage redevint lisse et juvénile.
— Est-ce que je… est-ce que je vais mourir? souffla le jeune homme qui relevait lentement la tête, la bouche molle et humide. Est-ce que je vais mourir? grogna-t-il, ses lèvres tremblant toujours.
— Je ne sais pas, répondit en souriant le vampire.
Le jeune homme parut sur le point d’ajouter quelque chose, mais sa main glissa sur la table et sa tête s’affaissa à côté d’elle, tandis qu’il perdait conscience.
Quand il rouvrit les yeux, le soleil s’était levé. Il éclairait la fenêtre sale et nue et réchauffait sa main et le côté de son visage. Le jeune homme resta un moment ainsi, la tête appuyée sur la table, puis, dans un grand effort, se redressa, prit une longue et profonde inspiration et, fermant les yeux, tâta l’endroit où le vampire avait bu son sang. Accidentellement, son autre main toucha le couvercle de son enregistreur à cassettes. Il poussa un cri, tellement le métal était chaud.
Puis, se levant, il se dirigea gauchement, titubant presque, vers le lavabo où il s’appuya de ses deux mains. Il ouvrit vivement le robinet, s’aspergea le visage d’eau froide, puis s’essuya au moyen d’une serviette sale qui pendait à un clou. Sa respiration se fit régulière, et il réussit à rester debout sans soutien, regardant, immobile, le miroir. Alors, il baissa les yeux sur sa montre et sursauta en lisant l’heure. Les aiguilles de sa montre parurent le ranimer plus efficacement que le soleil et que l’eau froide. Vivement, il inspecta la pièce et le couloir et, n’y découvrant rien ni personne, se rassit. Alors, tirant un petit carnet et un stylo de sa poche et les posant sur la table, il pressa l’une des touches de son magnétophone. La bande se rembobina rapidement. Il l’arrêta et pressa la touche de lecture. Se penchant, il écouta attentivement la voix du vampire, puis de nouveau fit défiler la bande à grande vitesse. Après plusieurs autres sondages, son visage s’éclaira, tandis que dans le haut-parleur de l’appareil une voix disait, sur un ton égal : « C’était un soir très doux. Dès que je le vis sur l’avenue Saint-Charles, je devinai qu’il était attendu quelque part…
Vivement, le jeune homme écrivit : Lestat… près de l’avenue Saint-Charles. Vieille maison en ruine… voisinage miséreux. Chercher balustrades rouillées.
Puis, fourrant le carnet dans sa poche, il rangea les cassettes dans sa serviette, à côté du petit enregistreur, descendit à grands pas le long couloir, dévala l’escalier et courut jusqu’au bar du coin de la rue, devant lequel sa voiture était garée.
En français dans le texte.
Macbeth , acte V, scène V. (N.d.T.)
En français dans le texte.
En français dans le texte.