Ce n’est qu’au XX esiècle qu’on rencontrera des exigences proprement scientifiques, et que la réflexion grammaticale prendra place dans la science du langage, la linguistique.
Les principaux courants grammaticaux de la linguistique du XX esiècle partagent ce postulat du primat de la forme. Il s’agit du fonctionnalisme ou structuralisme européen, qui part d’une définition de la langue comme instrument de communication, d’où il définit les caractères nécessaires à l’exercice de cette fonction; du distributionnalisme ou structuralisme américain, fondé sur l’idée que toute unité de langue est définie par sa «distribution» dans la phrase, et peut donc être étudiée au moyen des contextes dans lesquels elle apparaît; de la grammaire générative, qui fonde sa description de la langue sur la distinction entre structures profondes et structures de surface. En outre, la grammaire générative comporte un postulat philosophique concernant l’innéisme de la langue, repris pour l’essentiel à la philosophie française du XVII esiècle
1.2 Critères de la grammaire
Très tôt, l’idée d’opposer critères formels et critères sémantiques s’est fait jour, même si elle n’a pas été aussi largement exploitée qu’elle le sera au XX esiècle. L’héritage d’Aristote, quant à la définition des catégories du discours, impose à la grammaire traditionnelle des définitions sémantiques qui présentent toujours des insuffisances. D’une part, elles ne permettent pas d’identifier tous les objets de la classe; d’autre part, elles ne permettent pas de distinguer la classe de toutes les autres classes.
Ainsi, prenons une définition sémantique du sujet: la catégorie – homme, animal ou chose – qui fait l’action exprimée par le verbe. On peut trouver deux types de contre−exemples: un sujet qui ne fait pas d’action – la maison dans «la maison reçoit une bombe» – et une catégorie qui fait l’action sans être le sujet – Pierre dans «cette hypothèse a été détruite par Pierre». En égard à cette critique, la recherche grammaticale du XX esiècle tentera d’établir une réflexion appuyée sur des critères formels en tenant compte des règles de fonctionnement dans la langue: on dira alors que le sujet est la catégorie nominale qui ne peut se supprimer, qui donne son accord au verbe, qui peut s’interroger au moyen de «qui?» ou de «qui est−ce qui?», être remplacée par le pronom «il», «elle», «ils» ou «elles», devenir «qui» dans une relative, ou complément d’agent dans une phrase passive. La grammaire peut être alors un outil de réflexion critique sur la langue.
1.3 Plusieurs types de grammaire
Selon l’objet, l’orientation, le but et les méthodes de l’étude on distingue plusieurs types de grammaire. Le plus souvent on les classe par paire.
1 La grammaire syncroniqueet la grammaire diachronique
La grammaire syncronique décrit la structure de la langue à une étape donnée (p.ex. II siècle). La grammaire diachronique décrit la structure à travers l’évolution de la langue.
2 La grammaire statiqueest opposée à la grammaire dynamique
La grammaire statique élabore une construction du système grammatical en valeur des oppositions grammaticales et les ressemblances des éléments du système.
La grammaire dynamique met en évidence la genèse des formes grammaticales
3 La grammaire passiveest opposée à la grammaire active
La distinction de deux types de grammaires est dû aux démarches sémasiologiques et honomasiologiques(honoma – имя).
Une démarche sémasiologiqueparle de la forme pour en étudier les fonctions et les significations. Cette démarche est à la base d’une grammaire passive, du décodage, elle montre la polysémie des formes grammaticales (p.ex.: on étudie la signification de l’inversion: elle peut exprimer l’interrogation, l’exclamation, la dépendance de la subordonnée etc.)
La démarche honomasiologiquesuppose qu’on parle de la valeur pour aboutir à la forme. La démarche honomasiologique est à la base d’une grammaire active qui va de la pensée aux formes grammaticales, c’est la grammaire de l’incodage; elle aboutit à dégager les moyens synonymiques recouvrant telle idée et telle fonction (L. Scherba, F. Brunot).
(p.ex on étudie les moyens d’exprimer l’interrogation: l’inversion, l’intonation, les mots interrogatifs. On tient compte des moyens des autres niveaux: lexical, phonétique).
D’après le but de l’étude on oppose: la grammaire normative à la grammaire théorique.
L’histoire de la grammaire normativeest très liée à l’idée de fixer un état de langue. Ainsi, la grammaire de Vaugelas ( Remarques sur la Langue française ), qui paraît en 1647, vise−t−elle, en s’appuyant sur le parler de «la plus saine partie de la cour», à offrir une norme aux bourgeois arrivant de province à la cour. Ainsi s’institue une tradition de grammaire normative (on dit aussi prescriptive ), qui édicte ce qui doit être dit. La justification sociale de la norme (usage de la classe socialement dominante) est généralement dissimulée derrière une argumentation reposant sur l’histoire de la langue, la logique ou l’étymologie et visant à donner la préférence à une forme sur les autres. À partir du XIX esiècle, la domination de la norme été remise en cause par les recherches linguistiques, qui montrent en particulier le rôle des formes populaires et des patois dans l’évolution de la langue nationale.
La grammaire théoriquecherche à éxpliquer ces règles, à en donner la description cohérante et une analyse approfondie de tout le système.
La grammaire déscriptiveà la grammaire prescriptive.
On donne le nom de grammaire descriptive à un type particulier supposant la plus grande neutralité possible de la part du grammairien, qui se contentera de «décrire» les faits qu’il observe (se borne à décrire le système grammatical sans émettre spécialement de jugement). L’expression s’oppose donc essentiellement à celle de grammaire normative (ou prescriptive ), qui sous−entend la reconnaissance et l’exposé de normes sociales et, donc, qu’il existe un «bon usage» dans la société (porte des jugements sur la possibilité de telles ou telles tournures).
Par opposition à cette attitude, une grammaire descriptive tiendra compte de tous les usages, même de ceux qui sont culturellement dépréciés, et, en particulier, elle tiendra compte de la langue parlée, alors que la plupart des grammaires prescriptives sont fondées sur la langue écrite. Cette expression se distingue également de celle de grammaire démonstrative (bien que les deux ne soient pas incompatibles), dans la mesure où une grammaire descriptive suppose une simple constatation des faits, alors qu’une grammaire démonstrative raisonne, prouve quelque chose (par exemple, la distinctivité dans le cas d’une grammaire transformationnelle). On réunit ainsi, fréquemment, l’attitude descriptive et l’attitude démonstrative sous la dénomination de grammaire scientifique , conception qui suppose par rapport au langage une attitude qui ne se développe guère qu’à partir du XIX es.
1.4 Approches et notions principales des faits de grammaire
On relève deux approches principales des faits de grammaire: l’approche mentaliste qui fait appel au contenu sémantique des faits grammaticaux, et l’approche formaliste qui nie la nécessité de tenir compte des facteurs se trouvant au−dehors de la langue elle−même. La méthode formaliste est à la base des grammaires dites formelles (grammaire distributive, grammaire générative), l’approche mentaliste a donné naissance aux grammaires logiques, psychologiques, situationnelles. Vu que les phénomènes linguistiques ne sont pas homogènes, ni les grammaires formelles, ni les grammaires mentalistes ne peuvent à elles seules expliquer les faits grammaticaux de façon adéquate. La grammaire fonctionnelle cherche à éviter les approches unilatérales de celles−ci. Elle étudie les fonctions de chaque forme grammaticale en signalant leur caractère sémantique ou asémantique.
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