— Il faut noyauter… répondit l’abbé Petitjean.
— Je vois… dit Angel.
Ils entendirent le moteur.
— Il arrive… dit Petitjean.
Il se leva. Angel en fit autant.
— Au revoir. À bientôt.
— Au revoir !.. dit Angel.
L’abbé Petitjean lui serra la main et partit sans se retourner. Il sautait haut pour que sa robe prît à chaque retombée la forme d’une cloche. Il était tout noir sur le sable.
Angel tâta d’un doigt tremblant le col de sa chemise jaune et leva la main. Le 975 s’arrêta pile devant lui.
Le receveur tournait sa boîte et une jolie musique s’en échappait.
Il n’y avait qu’un voyageur à l’intérieur, et il portait une petite serviette, marquée A. P., Antenne Pernot ; il était habillé comme pour se rendre à son bureau. Il parcourut le couloir, plein d’aisance, et sauta légèrement en bas de l’autobus. Il se trouva nez à nez avec le conducteur. Ce dernier venait de quitter son siège et s’approchait pour voir ce qui se passait. Il portait un bandeau noir sur l’œil.
— Bigre ! dit le conducteur. Un qui descend et un qui remonte !.. Et mes pneus, alors ! J’ai pas le droit de prendre de la surcharge.
L’homme à la serviette le regarda, gêné, et profitant de ce que l’autre se remettait l’œil en place avec son cure-pipe, s’enfuit à toutes jambes.
Le conducteur se toucha le front.
— Je commence à être habitué, dit-il. Ça fait le second.
Il regagna son siège.
Le receveur aida Angel à monter.
— Allons, allons ! dit-il. Ne nous bousculons pas !.. Les numéros, s’il vous plaît !..
Angel monta. Il posa sa valise sur la plateforme.
– À l’intérieur, les bagages !.. dit le receveur. Ne gênez pas le service, s’il vous plaît !..
Il se pendit à la poignée qu’il agita plusieurs fois.
— Complet !.. cria-t-il.
— Le moteur ronfla et l’autobus partit. Angel posa sa valise sous une banquette et revint sur la plate-forme.
Le soleil brillait au-dessus du sable et des herbes. Des touffes de scrub spinifex marquaient le sol. À l’horizon, il apercevait confusément une bande noire et immobile.
Le receveur s’approcha de lui.
— Terminus !.. dit Angel.
— Vole !.. répondit le receveur en levant le doigt vers le ciel.
Il y a eu, peu de temps après, une séance au Conseil d’Administration ; sur l’insistance du Président Ursus de Janpolent, qui a donné lecture d’une missive d’Antenne Pernot, ils ont décidé d’envoyer un corps de techniciens et d’agents d’exécution pour étudier la possibilité de réaliser, en Exopotamie, un chemin de fer à voie normale, à un emplacement différent du précédent, afin d’éviter l’incident fâcheux qui a marqué la fin des premiers travaux. Les membres présents se sont félicités de la somme de renseignements recueillis grâce aux efforts du regretté Amadis Dudu, dont le nouveau directeur, Antenne Pernot, tirera largement profit, ce qui permettra de réduire ses appointements dans de notables proportions. La composition de l’expédition sera donc la suivante : une secrétaire, deux ingénieurs, deux agents d’exécution, et trois conducteurs de camions. En raison des propriétés particulières que possède le soleil en Exopotamie, et étant donné la nature du sol, il risque de se produire des phénomènes remarquables ; il faut tenir compte également du fait qu’en Exopotamie se trouvent déjà un archéologue et ses aides, un ermite et une négresse, et l’abbé Petitjean, qui a beaucoup d’ermites à inspecter. Les agents d’exécution partent avec leur famille. La complexité de l’ensemble fait que tout ce qui peut leur arriver est vraiment, malgré l’expérience acquise, impossible à prévoir, encore plus à imaginer. Il est inutile de tenter de le décrire, car on peut concevoir n’importe quelle solution.
Ce personnage est un transfuge de « l’Écume des jours ».
Traduit du latin : que la terre te soit légère.
Traduit du grec ancien : connais-toi toi-même.
Produisant ainsi des courants induits par le moyen desquels, à travers des solénoïdes, il s’éclairait.
Allusion à « l’Écume des jours », premier roman de Boris Vian.
Traduit du latin : « Comme jusque là il est agité mais ne sombre pas — Et avec votre esprit ». C’est un mélange de citations qui appartiennent à des domaines très différents.
« Tropique du cancer » est un livre de Henry Miller.
Allusion au roman précédent, « l’Écume des jours ».
Traduit du latin : L’ombre d’un grand nom.
Traduit du latin : Déjà, tout près, Ucalégon brûle ; extrait de l’Énéide de Virgile.